Les policiers en exercice n'auront plus à enquêter sur les bavures de leurs collègues, selon le projet de réforme engagée par le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.

Actuellement en chantier, un projet de loi sera déposé cet automne mettant en place un comité «permanent» chargé de faire enquête quand des interventions policières débouchent sur un décès ou des blessures graves.

Ce faisant, Québec s'inspire des choix de l'Alberta et de la Colombie-Britannique qui sont à mettre en place des structures d'enquête indépendantes des corps de police provinciaux ou municipaux. L'Ontario a déjà son unité indépendante et permanente.

Mais hier aux questions de La Presse, M. Dutil a soutenu qu'il n'avait pas décidé encore de l'option retenue, qui ne devra pas réduire la marge de manoeuvre des policiers dans l'exercice de leurs fonctions.

Selon les informations obtenues, Québec veut proposer une unité qui comptera un certain nombre de «civils». C'était le souhait de la protectrice du citoyen Raymonde Saint-Germain. Mais les policiers qui ont accepté à contrecoeur l'idée d'une escouade indépendante font pression pour que le groupe ne soit formé que de gens qui ont déjà été policiers.

Actuellement, quand un décès survient dans une opération policière, par décret ministériel, un autre corps de police est chargé de mettre les circonstances en lumière. La SQ avait par exemple eu à enquêter sur le décès de Freddy Villanueva, survenu lors d'une intervention de patrouilleurs du SPVM en août 2008.

Le ministre Dutil a déjà indiqué qu'il envisageait des modifications, conscient que la population est perplexe quand des policiers enquêtent sur des collègues d'autres corps.

Le problème avait surgi avec acuité en juin dernier, quand Mario Hamel, un sans-abri de 40 ans en crise, était tombé sous les balles de la police au centre-ville de Montréal. Un passant, Patrick Limoges, avait été atteint par un projectile et était décédé en fin de journée. Plus de 300 personnes avaient manifesté pour protester contre cette bavure policière. M. Dutil avait alors demandé des changements à la formation donnée par l'École nationale de police et indiqué qu'il réfléchirait aux mécanismes d'enquête.

Négociations

Cet été, devant les jeunes libéraux, le ministre Dutil avait soutenu qu'il penchait pour confier à des groupes indépendants les enquêtes sur les policiers. Ce projet est évoqué parfois à la table de négociation avec les agents de la Sûreté du Québec - une entente de principe en juillet dernier a été repoussée par les membres par la suite. On discute encore sur l'application de la règle qui prévoit deux patrouilleurs par auto - Québec voulait faire passer de 19 à 22 h le moment où il est tenu d'affecter deux agents par patrouille. Les policiers veulent le statu quo.

Les policiers sont ouvertement favorables désormais à la constitution d'une unité indépendante, mais insistent pour qu'on n'y trouve pas de «civils», de non-policiers. Ailleurs les unités indépendantes constituées sont composées souvent de policiers à la retraite. Les policiers réclament aussi la simplification des procédures de «pardon» - un agent qui a un dossier disciplinaire, ou qui fait l'objet d'une plainte pendante ne peut avoir de promotion actuellement. Il devrait être plus facile d'essuyer l'ardoise.

L'appui des policiers à cette unité indépendante est un changement de cap important.

En Alberta, le Serious Incident Response Team (ASIRT) est différent de l'Unité des enquêtes spéciales (UES) de l'Ontario. Ses enquêtes sont dirigées par des policiers d'expérience prêtés à cette unité permanente. Le groupe est supervisé et encadré par des civils, et c'est le procureur de la Couronne albertain qui décide s'il y a lieu de déposer des accusations contre un policier. En Ontario, la moitié des enquêteurs n'ont jamais travaillé comme policier.

Depuis près de 18 mois, Mme Saint-Germain recommande la création d'une unité spéciale pour remplacer le processus d'enquête indépendante en place.