Faute d'entente entre les partis politiques tout comme chez les parties impliquées dans le conflit qui sévit chez Postes Canada, les parlementaires ont vu leurs vacances estivales retardées et les députés québécois risquent d'être contraints de fêter la Saint-Jean-Baptiste à la Chambre des communes.



Les travaux parlementaires devaient prendre fin jeudi pour l'été, mais puisque les députés fédéraux ne s'entendent pas pour imposer un retour au travail chez Postes Canada, ils se préparaient en fin de journée à passer la nuit au Parlement plutôt qu'à quitter Ottawa.

Mercredi soir, Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ont annoncé ne pas être parvenus à conclure une entente et que les négociations avaient été rompues.

Le sort du conflit semble donc désormais reposer entièrement entre les mains du Parlement, qui se penche depuis lundi sur une loi de retour au travail pour légiférer la fin du lock-out imposé par la partie patronale il y a dix jours.

«Le rôle du gouvernement fédéral est d'agir dans les intérêts supérieurs de la population et de l'économie canadienne, et non dans l'intérêt de ceux et celles qui sont à cette table. C'est la raison pour laquelle nous avons cette législation pour mettre fin à cette situation qui menace notre économie», a argué le premier ministre Stephen Harper, aux Communes.

Le gouvernement conservateur veut absolument faire adopter son projet de loi C-6 et ainsi imposer la fin du conflit avant de quitter pour l'été, car autrement le litige pourrait s'étirer jusqu'au retour des députés en septembre.

Mais dans le camp adverse, l'opposition refuse de mettre fin à la libre négociation. Les néo-démocrates ont prévenu qu'ils s'opposeraient au projet de loi aussi longtemps que possible, et ce, même s'ils doivent siéger cette fin de semaine.

Au moment où les parlementaires s'apprêtaient à entamer aux Communes le dernier droit du débat sur le conflit, le bloquiste Louis Plamondon a cependant tenté de faire suspendre les discussions jusqu'à samedi matin, le temps de fêter la Saint-Jean-Baptiste.

Or, faute de consentement unanime, sa motion a été rejetée, quelques «non» ayant été lancés depuis les banquettes du Parti conservateur.

Questionnés à leur sortie de la Chambre, la petite poignée de députés conservateurs québécois ne voyaient aucun problème symbolique à faire siéger le Parlement le jour de la fête nationale du Québec.

«Les gens aiment mieux nous voir ici que de nous voir autour d'un feu», a rétorqué le ministre de l'Industrie Christian Paradis, reprenant le discours de son gouvernement selon lequel l'arrêt de travail aux Postes nuit gravement à l'économie canadienne.

De l'avis de son collègue député Jacques Gourde, ce sont les membres de l'opposition qui se privent eux-mêmes de célébrer la Saint-Jean au Québec en refusant d'accélérer l'adoption de la loi spéciale.

«Le NPD, s'ils ne peuvent pas y aller, c'est leur choix», a-t-il déclaré, en précisant que les conservateurs, eux, seraient dans la Belle Province vendredi. Le premier ministre sera d'ailleurs à Thetford Mines avec son lieutenant québécois, M. Paradis.

Avec la fin des pourparlers entre Postes Canada et le STTP, le Nouveau parti démocratique (NPD) planche maintenant sur les amendements qu'il aimerait apporter au projet de loi conservateur. Car même s'il retarde son adoption, Postes Canada et le STTP ne semblent pas en voie de s'entendre d'eux-mêmes prochainement.

Le projet de loi spéciale impose, entre autres, un règlement salarial. L'opposition et le STTP reprochent au gouvernement d'imposer des augmentations salariales inférieures à la dernière offre mise sur la table par Postes Canada.

«Postes Canada n'a aucune raison de négocier de bonne foi, puisque le premier ministre fait la «job» de bras à leur place. Il empêche une saine négociation, il impose un contrat de travail et il impose des salaires plus bas», a scandé le chef du NPD, Jack Layton.

Les conservateurs ont rétorqué avoir proposé des salaires identiques à ceux offerts à leurs propres fonctionnaires lors de négociations.

Le projet de loi prévoit également qu'un arbitre décide, ultimement, du camp qui remportera la bataille en instaurant l'adoption de l'offre patronale ou syndicale, ce que dénoncent aussi l'opposition et le syndicat.

Le chef libéral intérimaire, Bob Rae, a qualifié la clause portant sur le rôle de l'arbitre d'«extrêmement interventionniste».

La ministre du Travail, Lisa Raitt, s'est dite ouverte à étudier les amendements de l'opposition, lorsqu'ils lui seront présentés sur papier.

«Il faut les considérer. Ça fait partie du débat», a-t-elle plaidé.

Tout au long des débats autour de ce projet de loi, l'opposition a accusé le gouvernement de prendre la part de l'employeur dans ce conflit.

Postes Canada a mis ses 48 000 employés en lock-out, après que ceux-ci aient imposé une grève tournante entamée le 2 juin. Ce moyen de pression aurait coûté des dizaines de millions de dollars, selon la société d'État.

Un porte-parole du syndicat, George Kuehnbaum, a lui aussi argué que la société d'État finirait par gagner la majorité de ses demandes faites depuis le début des négociations, puisque le gouvernement se rangera dans son camp, comme il en est l'actionnaire.

Le secrétaire-trésorier national du STTP a cependant affirmé que les travailleurs ne prévoyaient pas défier la loi de retour au travail, car les sanctions sont trop sévères.