Devenu la cible de l'opposition péquiste, qui mettait en doute son impartialité, Yvon Vallières a décidé que c'en était trop. Le vétéran, élu depuis 1973, a démissionné vendredi de la présidence de l'Assemblée nationale. Il estime que le climat est devenu tellement malsain à l'Assemblée nationale que les débats sont ingérables.

«Depuis plusieurs mois maintenant, le climat à l'Assemblée nationale, les échanges et les comportements (...) ont atteint un niveau inacceptable: intimidation, invectives, insinuations, propos désobligeants, non-respect du droit de parole de l'autre, interpellation du président et remise en cause de son autorité», constate le président sortant dans une lettre qu'il a fait parvenir vendredi après-midi à tous les députés.

«Déplorant fortement» cette situation, l'élu de Richmond accuse les leaders parlementaires de ne pas l'avoir appuyé. «J'aurais dû pouvoir compter sur un meilleur appui de la part des personnes qui ont, elles aussi, un rôle à jouer pour la bonne marche de nos travaux, ce qui n'a pas été le cas», écrit-il.

Jeudi, le Parti québécois l'a durement pris à partie pour avoir passé l'éponge sur des propos controversés de la ministre du Travail, Lise Thériault. Le leader parlementaire de l'opposition, Stéphane Bédard, avait prévenu que sa formation envisageait de retirer dès mardi sa confiance au président, un geste sans précédent.

M. Vallières dit démissionner «non sans regret et tout en étant profondément blessé».

Joint vendredi, le premier vice-président de l'Assemblée nationale, le libéral Jacques Chagnon, a indiqué qu'il allait «réfléchir sérieusement» à la possibilité de se porter candidat à la succession de son collègue - les députés vont choisir un nouveau président mardi. Pierre Paradis, autre candidat potentiel, n'avait pas voulu, en 2009, disputer le poste à Yvon Vallières, «un ami de longue date». Stupéfié, selon ses mots, par ce départ inattendu, il a refusé vendredi de s'étendre sur ses intentions.

Dans sa lettre, Yvon Vallières explique que les événements de cette semaine ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase. Il a pris sa décision «à la lumière du climat des derniers mois», écrit le député, un gentleman d'un naturel affable et modéré.

«J'en suis venu à la conclusion que le goût de poursuivre n'y est tout simplement plus. Jamais en 33 ans comme député au sein de cette institution, je n'ai connu un climat parlementaire aussi exacerbé, où les règles élémentaires liées à l'exercice des rôles de chacun sont de moins en moins respectées. Je ne m'y reconnais malheureusement plus et je suis persuadé que je ne suis pas le seul», écrit le démissionnaire.

Conséquences «funestes»

Jeudi, le président Vallières s'est retrouvé dans l'embarras après avoir passé l'éponge sur des propos tenus la semaine précédente par la ministre du Travail, Lise Thériault. De son siège, elle avait menacé de nommer publiquement les députés de l'opposition qui venaient lui quémander des subventions pour leurs commettants. L'opposition a estimé qu'elle portait atteinte à la capacité des élus de faire correctement leur travail pour leurs électeurs. Stéphane Bédard, leader parlementaire du PQ, avait déclaré qu'il y aurait «des conséquences funestes» à la décision d'Yvon Vallières de ne pas exiger d'excuses formelles de Mme Thériault.

Elle a refusé de s'excuser pendant plusieurs jours, mais devant l'escalade verbale de jeudi, elle s'est ravisée et a présenté ses excuses dans un point de presse. Secoué par les menaces de Stéphane Bédard, M. Vallières a annulé une réunion de gestion de l'Assemblée jeudi après-midi. L'opposition officielle s'apprêtait à aller de l'avant mardi prochain avec sa motion de censure. La réunion des députés a été devancée précisément pour débattre de cette manoeuvre délicate et sans précédent.

«Je peux comprendre qu'on ne soit pas d'accord avec une décision de la présidence et que l'on veuille argumenter. Cependant, ce que je ne peux accepter, c'est que l'on remette en cause mon impartialité, ma neutralité, et que je fasse constamment l'objet d'interpellations et de remarques inappropriées de la part du leader parlementaire de l'opposition officielle», observe M. Vallières.

«Une chose est certaine: cette décision, comme toutes les autres d'ailleurs, n'avait aucunement comme objectif de protéger qui que ce soit», poursuit le président dans sa lettre. Me Bédard l'avait accusé d'avoir pris sa décision pour des considérations partisanes, afin de protéger sa collègue Lise Thériault.

Stéphane Bédard n'a pas rappelé La Presse, vendredi.

Amir Khadir, de Québec solidaire, s'est dit désolé de cette démission. Il a rappelé que lui-même avait sur-le-champ proposé qu'on donne à la ministre Thériault la chance de s'excuser de son siège à l'Assemblée. Ulcérés par la décision de Vallières, les péquistes avaient refusé ces excuses de la onzième heure.

C'est moins connu, mais Yvon Vallières, depuis des semaines, subissait des pressions même du côté libéral. Le gouvernement n'avait pas aimé qu'il s'oppose à des déplacements injustifiés de banquettes sur le parquet du Salon bleu - on voulait envoyer le pupitre de Tony Tomassi, absent depuis un an, au fin fond de l'assemblée, avec le nouvel élu péquiste de Kamouraska. De plus, le gouvernement n'avait pas digéré que l'Assemblée nationale accueille sur son site internet la pétition qui réclamait la démission du premier ministre Charest. Du côté péquiste, on relevait d'autre part que M. Vallières ne discutait pas de ces décisions au préalable, avec les vice-présidents - ce que faisait son prédécesseur, le libéral Michel Bissonnet.