L'escouade Marteau, annoncée avec tambours et trompettes par le gouvernement en réponse à la montée de la corruption dans le domaine de la construction, sera avalée par une nouvelle entité. Le projet a déjà franchi plusieurs étapes et comités interministériels, et on travaille à un projet de loi complexe pour la mise en place d'une escouade permanente de lutte contre la corruption.

Le nouveau commissaire à la lutte contre la corruption relèvera du ministre de la Sécurité publique. Son mandat sera d'une durée de cinq ans, et ses employés continueront de relever de leurs organismes d'origine. Et en dépit des pressions de la Sûreté du Québec, ce sera un avocat réputé plutôt qu'un policier, indiquent des sources fiables.

Selon les informations confirmées mercredi soir par La Presse, l'ex-ministre péquiste Serge Ménard, actuellement député du Bloc québécois, a été pressenti par le gouvernement Charest pour prendre la barre de la nouvelle escouade.

La manoeuvre suscite la surprise, même après la nomination de la péquiste Diane Lemieux à la tête de la Commission de la construction. Joint mecredi soir aux Communes, Me Ménard s'est contenté de répondre: «J'ai entendu la rumeur... et je ne commente pas la rumeur.»

Mais des sources proches du député de Marc-Aurèle-Fortin relèvent que, depuis quelques semaines, il est clair qu'il ne prévoit pas se présenter aux prochaines élections fédérales, peut-être toutes proches.

Avocat réputé, ancien ministre de la Sécurité publique et de la Justice, M. Ménard n'attendrait plus qu'une confirmation officielle du cabinet du premier ministre Charest, a-t-on appris. Sa nomination suscite l'étonnement notamment parce qu'il est poursuivi par le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, après avoir soutenu publiquement que ce dernier lui avait offert de l'argent quand il était candidat pour le PQ, en 1993.

Discours inaugural

Le discours inaugural du gouvernement, attendu mardi ou mercredi prochain, fera largement état de la nouvelle escouade, une idée lancée au mois de décembre, au moment où la pression publique était à son comble pour obtenir une enquête publique sur la corruption dans le milieu de la construction.

Du côté de la SQ, on poussait beaucoup pour que l'escouade soit dirigée par un membre ou un ex-membre de la police. Des noms ont circulé. Robert Lafrenière, actuel sous-ministre de la Sécurité publique et ancien inspecteur-chef à la SQ, souhaitait avoir le poste. Martin Prudhomme, qui était inspecteur à la SQ et devenu sous-ministre adjoint aux affaires policières, à la Sécurité publique, est un autre candidat malheureux.

Quant à la configuration de la nouvelle escouade, elle est décrite dans un très long mémoire au Conseil des ministres mis dans la machine administrative le 8 février dernier. Le résumé de quelques pages que La Presse a obtenu indique que des 189 membres prévus de la nouvelle escouade, plus d'une centaine proviendront d'une longue liste d'organismes. «Ce sera une sorte de Marteau chromé», ironise-t-on déjà. Près de 60 enquêteurs de Marteau - en pratique, tous les effectifs - passeront à la nouvelle escouade.

Tout le projet coûtera 31 millions de dollars par année, précise le mémoire.

Directeur des poursuites

Ceux qui s'attendaient à ce que le gouvernement crée de toutes pièces une nouvelle escouade, en marge de la Sûreté du Québec, resteront sur leur faim. Pas question non plus d'une escouade, comme à New York, dirigée par un procureur autonome. Le commissaire québécois devra remettre les dossiers qui justifient des accusations au bureau du Directeur des poursuites criminelles, Me Louis Dionne.

«Les effectifs continueraient de relever de leurs organismes et ministères, mais ils seraient affectés à l'unité dans un modèle de cohabitation et de coordination», indique-t-on. En fait, indiquent des sources gouvernementales, au-delà des promesses percutantes, on s'est rendu compte que, pour continuer d'avoir accès aux dossiers de la longue liste des organismes impliqués, les employés devraient continuer d'y être rattachés administrativement, même s'ils travailleront désormais dans le même lieu physique.

Le nouveau commissaire aura un bureau de six personnes.