Militant du PLQ depuis 30 ans, membre de l'association de Groulx, Martin Drapeau entend bien lancer un pavé dans la mare, en fin de semaine, et demander devant tous une enquête publique sur l'attribution des contrats gouvernementaux à l'industrie de la construction.

«J'ai l'intention d'en faire une proposition au conseil général», a expliqué hier M. Drapeau, en route pour le conseil général du PLQ, qui a lieu ce week-end à Lévis.

«Ne rien faire maintiendrait le climat de suspicion qu'ont les électeurs par rapport à notre parti. Nous risquons quand même de perdre la confiance de nos électeurs sans avoir amélioré la situation du Québec», a-t-il soutenu. Même si des révélations risquent d'envoyer le PLQ dans l'opposition «pour 8 ou 10 ans», il faut selon lui «crever l'abcès en ouvrant une commission d'enquête sur l'attribution des contrats publics au Québec».

M. Drapeau faisait partie, avec une poignée d'environnementalistes, du petit groupe de militants libéraux de l'Estrie qui avaient combattu en vain la privatisation d'une partie du mont Orford, en 2006.

Plus récemment, ce citoyen de Boisbriand a été le premier Québécois à profiter de la nouvelle loi contre les poursuites baîllons. Il avait en effet été poursuivi pour 150 000$ par Lino Zambito, copropriétaire de la firme Construction Infrabec, après qu'il eut soulevé des questions sur l'attribution à cette entreprise du contrat de construction de l'usine d'eau potable de Boisbriand. En mai dernier, la Cour supérieure a jugé cette poursuite abusive en vertu de la nouvelle Loi 9.

Membre d'une association réduite à sa plus simple expression, M. Drapeau avoue qu'il ne sait pas jusqu'où pourrait aller son initiative. Il est bien conscient du refus du gouvernement Charest d'ouvrir cette boîte de Pandore. En dépit des nouvelles révélations de Radio-Canada sur les liens entre la mafia et l'industrie de la construction, le premier ministre Charest a repoussé toute la semaine les demandes pressantes de la chef péquiste, Pauline Marois, pour la tenue d'une enquête publique.

«Un martyr»

M. Drapeau a transmis en main propre sa résolution au premier ministre Charest hier soir. «Si ça ne passe pas, si le parti me bloque, vous me décrirez comme un martyr. Tout le monde ne parle que de ça actuellement au Québec», a-t-il dit.

Mais la démarche de M. Drapeau paraissait clairement à contre-courant. Dans son discours destiné à fouetter les militants, M. Charest a souligné que l'ancien premier ministre Tony Blair l'avait félicité en matinée pour la «performance exceptionnelle» de l'économie québécoise - il s'est ajouté 130 000 emplois en un an, le Québec a créé 30% des nouveaux emplois au pays. Mais M. Charest n'a pas dit un seul mot sur les problèmes de l'industrie de la construction, quotidiennement associée au monde interlope, depuis des semaines, dans les médias.

Dans les corridors du conseil général, les ministres ont donné des entrevues à la queue leu leu pour dire, d'une seule voix, qu'une enquête publique sur la construction ne serait pas utile «pour l'instant» et qu'il fallait «faire confiance aux policiers». Même si six mois après des allégations forçant sa démission le ministre Tommy Tomassi n'a toujours pas été interrogé par les enquêteurs de la SQ, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier n'y voit aucun problème. Ancien président du Fonds de solidarité de la FTQ, Raymond Bachand, ministre des Finances, convient toutefois que la construction est «un monde spécial, particulier et très difficile».

Maigre menu

Le conseil général qui a débuté hier soir a un ordre du jour bien mince. Le bureau de direction n'a même pas produit l'habituelle «proposition principale». Pour occuper les militants, on les a conviés à un rappel de la victoire de Robert Bourassa, le 2 décembre 1985. Ils auront à débattre de résolutions disparates pendant deux heures ce matin, débat qui se poursuivra demain matin.

Un échange d'une heure sur le prochain congrès est prévu en après-midi. Tout le monde sera prêt pour le «cocktail thématique» après la remise d'un prix à un militant exemplaire à 15h.

L'une des propositions de ce matin suggère un comité pour faire augmenter le salaire des députés à l'Assemblée nationale.

La résolution de M. Drapeau, s'il parvient à la déposer aujourd'hui, demandera que Québec «crée une vaste commission d'enquête sur l'attribution de contrats publics au Québec, particulièrement à l'industrie de la construction».

«J'ai été poursuivi ici, à Boisbriand. Des gens ont été tabassés... Je m'en vais au conseil général bien dégoûté de ce que je vois», a résumé M. Drapeau hier.

Le gouvernement répète que des enquêtes policières sont suffisantes, mais «il y a quand même des faits troublants, pensez donc que c'est la police de Montréal qui a averti que la firme de sécurité qui surveillait son quartier général n'était pas au-dessus de tout soupçon».

«Des histoires de corruption et de trafic d'influence dans les municipalités continuent à faire les manchettes, constate M. Drapeau. La seule façon de limiter au maximum ces pratiques est de les étaler au grand jour dans une vaste commission d'enquête sur l'attribution de contrats publics au Québec, particulièrement à l'industrie de la construction.

-  Avec la collaboration de Charles Côté