La fronde contre Pauline Marois vient essentiellement du Bloc québécois et a été organisée avec l'appui tacite de l'entourage de Gilles Duceppe, accuse le président sortant du Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ).



Les 50 jeunes signataires d'une lettre rendue publique lundi, qui attaque la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois, «sont en majorité du Bloc et aimeraient bien voir Gilles Duceppe à la tête du Parti québécois», explique Alexandre Thériault-Marois, qui vient tout juste de terminer son mandat de président du CNJPQ.

S'il croit le chef bloquiste quand il dit qu'il n'a rien à voir avec cette démarche, le jeune péquiste observe toutefois que l'entourage de M. Duceppe était bien au courant et a choisi de la laisser passer.

Lundi, en point de presse, l'un des leaders du groupe des 50 jeunes souverainistes, Félix-Antoine Dumais-Michaud, a reconnu s'être entretenu à quelques reprises avec le chef de cabinet de Gilles Duceppe, François Leblanc, avant que la lettre soit publiée, lundi matin. L'organisation bloquiste voulait s'assurer que le texte n'égratigne pas personnellement Mme Marois, a-t-il expliqué.

«La première version de la lettre était nettement pro-Duceppe. Leur jeu est un peu dévoilé. Si les membres du cabinet de M. Duceppe étaient au courant de la première lettre, pourquoi n'ont-ils pas fait de pression supplémentaire pour aider Mme Marois?» demande M. Thériault-Marois.

Dans sa première mouture, la lettre, plus musclée, affirmait: «Nombreux sont les militants et les citoyens qui se tournent aujourd'hui vers Gilles Duceppe dans l'espoir de trouver en ce chef solide et inspirant un réel changement.»

Selon lui, ceux qui croient que Gilles Duceppe pourrait prendre la barre du PQ perdent leur temps: «Si jamais les militants du PQ avaient un choix à faire, si quelque chose arrivait, ils choisiraient Bernard Drainville. Il aurait énormément plus d'appuis que Gilles Duceppe.»

Duceppe prend ses distances

À Ottawa, le principal intéressé a pris ses distances de l'initiative des jeunes souverainistes, sur laquelle il précise qu'il n'a «aucun pouvoir». Il réprouve même leur thèse; il n'y a pas de contradiction entre les démarches du Bloc et du PQ, selon lui.

Surtout, insiste-t-il, il n'est pas question qu'il essaie de déloger Mme Marois. «Je dirigerai le Bloc québécois aux prochaines élections et Pauline Marois, le Parti québécois aux prochaines élections.»

Lundi matin, en conférence de presse, les jeunes souverainistes ont expliqué que le plan de «gouvernance souverainiste» mis de l'avant par Pauline Marois est plus proche de la démarche «autonomiste» de l'ADQ que de la souveraineté.

«Cela s'inscrit dans la perspective qu'il est encore possible de faire des gains» en renouvelant le fédéralisme, a lancé Félix-Antoine Dumais-Michaud, un des signataires.

«Pour nous, la vision porteuse, c'est que les Québécois n'ont plus rien à attendre du fédéral. La solution est l'indépendance.» Or, la «gouvernance» proposée par Pauline Marois conserve «l'illusion de nouveaux accords» avec le Canada. Selon Jerry Beaudoin, autre membre du mouvement, le PQ «doit transformer le rêve en projet». Pour y arriver, il doit se rapprocher de la stratégie du Bloc québécois, qui a fait une croix sur toute possibilité de discussion avec Ottawa.

Son collègue Jean-Francois Landry explique que le groupe ne comptait que 15 membres quand il s'est trouvé propulsé aux manchettes des médias, vendredi dernier. «Nous sommes maintenant 50, et nous serons des centaines au congrès du PQ», en avril 2011, promet-il.

Attaque

Bien que ses signataires s'en défendent, la lettre attaque durement Pauline Marois et lui adresse même une mise en garde menaçante.

La chef péquiste proposera, au congrès d'avril 2011, la revendication à la pièce de compétences détenues par Ottawa en attendant que la population soit prête à la tenue d'un nouveau référendum.

Les signataires de la lettre estiment qu'il vaudrait mieux préparer tout de suite la souveraineté plutôt que de se lancer dans une nouvelle version du fédéralisme renouvelé.

«Si la chef du Parti québécois veut continuer d'associer son leadership à la poursuite et à la défense de cet objectif, de ce «plan Marois», c'est son droit le plus légitime. Les militants du Parti québécois devront eux tirer leurs conclusions et il ne faudra pas se surprendre d'en voir plus d'un tourner le regard ailleurs dans l'espoir de trouver une vision plus audacieuse de l'indépendance», écrivent les jeunes souverainistes.

Ils rappellent aussi que, à l'instar de Gilles Duceppe, il faut d'abord «imaginer le Québec souverain dans tous ses champs d'activités: défense, poste, institutions politiques, etc. C'est à cet objectif que doivent être mis les efforts d'un prochain gouvernement souverainiste et non pas dans quelques luttes illusoires avec Ottawa».

«On ne s'attaque pas au leadership de Mme Marois, c'est une souverainiste convaincue et convaincante. On s'attaque à la stratégie adoptée», explique M. Dumais-Michaud.

Ce discours est bien accueilli du côté de SPQ libre, le club politique que ne reconnaît plus le PQ. «On ne fait pas la souveraineté en se déguisant en courant d'air. C'est le Bloc qui a la bonne stratégie, ça fait 150 ans qu'on se fait dire non à Ottawa» a dit Marc Laviolette, président de SPQ Libre et ancien président de la CSN.

La réplique du PQ a été immédiate. Avant même le point de presse des jeunes, le président sortant du CNJPQ, Alexandre Thériault-Marois les a traités de no names. «Des 50 signataires, 22 ne sont même plus membres en règle du Parti québécois et cinq autres ne l'ont jamais été, lance-t-il. Cela veut dire qu'ils n'ont participé à aucune activité du PQ au cours des trois derniers mois.» Un autre militant, Jerry Beaudoin, «était un candidat poteau dans Bellechasse», une circonscription où le PQ n'avait pas de chances de l'emporter.

Même le leader du groupe, Jean-François Landry, qui s'était fait connaître chez les jeunes bloquistes pendant quatre ans, n'est pas membre en règle du PQ. Il compte renouveler sa carte à la première occasion, a-t-il insisté.

Le comité de direction de l'association péquiste de Marie-Victorin s'est aussi dissocié du geste de l'un de ses membres, Mathieu Léveillé, qui a choisi de signer la lettre.

En après-midi, à Montréal, la nouvelle présidente du Conseil national des jeunes du PQ, Christine Normandin, a déploré que ces jeunes souverainistes, au lieu de faire avancer leurs idées dans le cadre des instances du parti, aient choisi une autre tribune: «C'est beaucoup plus facile de faire une sortie comme ça que de faire avancer le débat dans les instances. C'est une prise de position unilatérale qui ne permet pas de discuter avec les militants.»

La «gouvernance souverainiste» est discutée dans les rangs du PQ depuis 2007 et a reçu des membres une approbation très large, rappelle-t-elle.

Avec Hugo de Grandpré