Le gouvernement du Québec pourrait bien se retrouver devant les tribunaux s'il adopte son projet de loi qui prévoit une «tolérance zéro» en matière de consommation d'alcool pour les conducteurs de 21 ans ou moins.

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) menace en effet de contester les dispositions de la future loi, si elle est adoptée cet automne à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi du Québec prévoit interdire la conduite d'un véhicule à tout titulaire d'un permis de conduire de 21 ans ou moins «qui a de l'alcool dans son organisme».

Il prévoit également la suspension immédiate du permis de conduire durant 24 heures pour les conducteurs ayant une alcoolémie de 50 à 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang, lorsqu'ils ne sont pas déjà soumis à une interdiction totale.

La fédération, qui regroupe des associations étudiantes de cégeps, estime qu'il s'agit là d'une discrimination fondée sur l'âge qui contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés.

En entrevue, le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, a dit avoir déjà consulté des juristes, qui lui auraient affirmé qu'il y avait là matière à contestation. «Les juristes qu'on a contactés nous ont dit qu'à leur avis, c'est une mesure déraisonnable, qui allait à l'encontre de la Charte.»

M. Bureau-Blouin préférerait que le ministère des Transports change de cap avant l'adoption du projet de loi, plutôt que d'en arriver à une contestation judiciaire.

La FECQ propose de baser la législation sur l'expérience de conduite plutôt que sur l'âge. Plus précisément, elle conseille d'allonger la durée du permis probatoire de deux à trois ans.

Les permis probatoires et temporaires sont déjà assujettis à une «tolérance zéro» et le titulaire ne dispose que de quatre points d'inaptitude, souligne la FECQ.

«Nous on espère qu'il va y avoir des modifications qui vont être apportées au projet de loi. Comme le gouvernement, on veut améliorer le bilan routier du Québec; on veut limiter le nombre d'accidents. Cependant, on veut faire tout ça en respectant les droits des jeunes, sans violer la Charte canadienne des droits et libertés. Avec une mesure comme celle-là, on discrimine les jeunes conducteurs selon leur âge, alors que le véritable problème, selon nous, est au niveau de l'expérience», a soutenu M. Bureau-Blouin.

Ministère

Au ministère des Transports, le porte-parole Nicolas Murgia trouve «prématurée» la menace de contestation de la loi, alors que le projet de loi est encore en discussion.

Du même souffle, cependant, il prévient que le ministère compte bien aller de l'avant. «Le gouvernement a présenté cette mesure-là parce qu'on y croit. Nous on veut aller dans ce sens-là», a-t-il affirmé en entrevue.

Il justifie ainsi l'intention gouvernementale: «il y a des statistiques qui prouvent que c'est pertinent d'adopter une mesure comme celle-là.», particulièrement pour les jeunes conducteurs de 16 à 19 ans.

«D'autres provinces l'ont fait», ajoute-t-il, citant l'Ontario, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, qui ont des lois similaires.

«Le but ultime, c'est de sauver des vies», ajoute le porte-parole du ministère des Transports.

La loi ontarienne est justement entrée en vigueur le 1er août dernier et elle fait déjà l'objet d'une contestation par un jeune de Toronto. Celui-ci, Kevin Wiener, âgé de 20 ans, a déposé sa requête à la Cour supérieure de l'Ontario, mercredi, alléguant que la loi contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés en faisant de la discrimination fondée sur l'âge.

En Ontario, déjà cinq jeunes ont vu leur permis de conduire suspendu pendant 24 heures depuis l'entrée en vigueur de la loi.