L'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare a mis en doute l'impartialité de l'enquête publique présidée par l'ex-juge Michel Bastarache, qui doit faire la lumière sur le processus de nomination des magistrats québécois.

M. Bellemare est sorti de son mutisme des dernières semaines pour exprimer son agacement, vendredi, face au choix du procureur en chef de la commission, Pierre Cimon, un contributeur régulier à la caisse du Parti libéral du Québec au cours des dernières années.

Selon l'ex-ministre, dont les déclarations ont mené le premier ministre Jean Charest à mandater la commission présidée par M. Bastarache, un don à un parti politique n'est pas un geste banal.

«Quand tu contribues, tu fais une profession de foi envers un parti politique et ses dirigeants, a-t-il dit, lors d'une entrevue à La Presse Canadienne. Jean Charest étant le chef, ça m'agace beaucoup.»

M. Bellemare a affirmé que le choix de M. Cimon, qui sera chargé d'interroger les témoins en plus de participer à la rédaction du rapport, n'est pas de nature à susciter la confiance envers la commission.

«Je trouve que c'est d'une maladresse inqualifiable que de nommer un procureur en chef qui a contribué récemment, à l'époque pertinente d'ailleurs, à la caisse du PLQ, a-t-il dit. C'est inacceptable. Ça veut dire que c'est un partisan libéral.»

Le mois dernier, M. Bellemare a lancé une véritable bombe en affirmant qu'il avait été l'objet de pressions de la part de collecteurs de fonds libéraux afin de retenir la candidature de certains avocats pour des postes de juges, durant l'année où il a été ministre de la Justice, jusqu'en avril 2004.

Le premier ministre Jean Charest et M. Bellemare se sont aussi affrontés publiquement, l'ancien ministre affirmant qu'il avait mis son patron au courant, ce qui lui a valu une poursuite en diffamation de sa part.

Selon M. Bellemare, M. Bastarache manque d'indépendance et de distance vis-à-vis de M. Charest, ce qui réduit sa capacité à départager le vrai du faux.

«Le mandat de Michel Bastarache n'est pas à sens unique, a-t-il dit. Il faut qu'il soit assez libre et détaché du gouvernement et de M. Charest pour aller jusqu'à dire qu'il a menti. Je ne dis pas que c'est ce qu'il va faire. Mais il doit avoir cette liberté.»

Cette semaine, M. Bastarache a publié un communiqué dans lequel il affirme qu'avant de retenir les services des membres de son équipe, il a exploré avec chacun les possibilités de conflit d'intérêts et conclu qu'il n'y en avait pas.

Vendredi, M. Bellemare a estimé que certains commentaires de M. Bastarache, après sa nomination, portent atteinte à son impartialité.

Ses propos sur la différence entre nomination politique et partisane - ainsi que ses commentaires sur le délai de six ans entre le départ de M. Bellemare du gouvernement et ses récentes déclarations -, sont déplacés, croit l'ex-ministre.

«Il a fait des commentaires qui étaient déplacés et qui sont de nature à susciter certains doutes quant à son impartialité», a-t-il dit.

La porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, Véronique Hivon, a réclamé que M. Bastarache explique pourquoi le choix de son procureur en chef ne porte pas atteinte aux apparences d'impartialité, dans le contexte où la commission doit déterminer si des donateurs ou des collecteurs de fonds ont exercé une influence sur la nomination de magistrats.

«On pense que ça soulève un doute que le procureur chef, qui interrogera et contre-interrogera les témoins, soit un contributeur assidu depuis 25 ans, du Parti libéral du Québec», a-t-elle dit.

Dans des entrevues aux médias, M. Bastarache avait expliqué, après sa nomination en avril, qu'il faisait une distinction entre nomination politique et nomination partisane.

Il avait notamment soutenu que toutes les nominations de juges sont, par définition, politiques, puisqu'elles relèvent ultimement du conseil des ministres.

L'ancien juge à la Cour suprême du Canada avait cependant précisé que les nominations partisanes devaient être évitées.

Selon M. Bellemare, M. Bastarache aurait dû s'abstenir de faire de telles déclarations alors que les travaux de la commission ne sont pas encore commencés.

«Je pense que c'est une erreur de le dire avant même d'avoir entendu quelque témoin que ce soit, a-t-il dit. C'est inacceptable qu'il fasse des remarques publiquement comme celle-là.»