C'était une impression; c'est désormais un fait. Le premier ministre Charest a beaucoup plus voyagé à l'étranger au cours des derniers mois. En fait, les dépenses de voyage du conseil exécutif ont presque doublé entre 2008 et 2009.

C'est ce qu'a fait valoir lundi Gérard Deltell, chef de l'ADQ, au terme de longs échanges entre M. Charest et Pauline Marois, une joute qui avait l'allure d'une compilation des temps forts des périodes des questions des dernières semaines.Les dépenses de voyage de M. Charest et son équipe sont passées de 223 000$ à 397 000$ en un an, une augmentation de 80%, a relevé l'adéquiste.

M. Charest était à Biloxi, au Mississippi, il y a deux semaines, il sera à Chicago la semaine prochaine. Ses nombreux voyages à l'étranger de 2009-2010, en Inde notamment, supposaient aussi bien des visites préparatoires pour ses conseillers.

Durant l'étude des crédits du conseil exécutif, M. Deltell a aussi relevé que pour les voyages à l'intérieur du Québec, le premier ministre utilisait même le Challenger du gouvernement, un appareil qui, compte tenu des distances limitées, n'avait même pas le temps d'atteindre son rythme de croisière.

«Quand on prend le Challenger ou des vols commerciaux, on calcule, on examine les scénarios pour prendre ce qui coûte le moins cher. On fait le meilleur choix possible. Je vous garantis que ce n'est pas des voyages de tourisme», a répliqué M. Charest. «On travaille très fort, mais ces voyages sont exigeants. On n'essaiera pas de faire croire qu'on peut être premier ministre du Québec sans prendre les moyens de faire son travail», a dit M. Charest.

Pour les parcours Québec-Montréal, «je le fais chaque semaine, et la denrée la plus rare pour un premier ministre, c'est le temps. Vous verrez aussi qu'il y a moins de voyages en Challenger... on utilise un avion d'un autre type, cela fait partie des économies», a expliqué M. Charest.

Plus de hauts fonctionnaires

Tandis que Québec impose le remplacement d'un poste sur deux seulement, pour les fonctionnaires, le nombre des hauts fonctionnaires, nommés par le Conseil des ministres, a augmenté. Entre 2008 et 2009, on est passé de 713 à 728, a relevé l'adéquiste. Mais, en 2003, on en retrouvait 747, a précisé M. Charest. Le remplacement d'un fonctionnaire sur deux a depuis 2003 permis 1 milliard de dollars d'économie, une réduction de 4500 postes, soit 6% de la fonction publique, a fait valoir M. Charest. Cette directive sera étendue aux réseaux de la santé et de l'éducation, mais il n'y aura pas «d'application bête», pas question de réduire le nombre de professeurs ou d'infirmières, assure-t-il.

La confiance s'effrite

Tant Mme Marois que M. Deltell s'en sont pris à la légitimité du premier ministre Charest, devant la montée de l'insatisfaction dans les sondages. Il ne reste que 21% des Québécois qui font confiance à Jean Charest. Richard Nixon, forcé de démissionner de la présidence des États-Unis en 1972, avait lui toujours l'appui de 23% de la population, a relevé Mme Marois.

Le ton a monté quand elle est revenue sur la «rallonge» de 75 000$ par année que fournit le PLQ à M. Charest en sus de son salaire. Depuis 10 ans, on est presque à 1 million, a-t-elle soutenu. Jamais un élu péquiste n'a, dans le passé, bénéficié de fonds de son parti, a-t-elle insisté. Ministre, mais non élu, Richard Legendre recevait un salaire du PQ, «et il était membre du gouvernement», a insisté M. Charest.

Ce dernier n'a pas manqué de rappeler à Mme Marois qu'elle faisait partie du gouvernement Bouchard quand son mari, Claude Blanchet, avait bénéficié d'une pension à vie de 85 000$, par année, pour cinq ans de service à la tête de la SGF, «où il avait perdu 700 millions», a-t-il relevé.

Les 10 travaux...

Le gouvernement devrait faire 10 gestes pour rétablir la confiance des citoyens. Notamment, il devrait accepter une commission d'enquête sur la construction, nommer un commissaire à l'éthique indépendant, recevoir la démission du ministre de la Famille, Tony Tomassi, et demander au vérificateur général de faire enquête sur l'attribution des permis de garderies privées.

«Si M. Charest veut redonner de la crédibilité à sa fonction, il a la responsabilité d'agir», a soutenu la chef péquiste.

Selon Gérard Deltell, «il y a un affreux bris de confiance au Québec actuellement et M. Charest en est le principal artisan. Il a dit des choses et fait le contraire. C'est à lui de se ressaisir...»

«Quand 50 000 personnes manifestaient devant le parlement, on entendait des choses graves, les gens scandaient: «Menteur, menteur!» C'est l'ensemble du gouvernement qui souffre de ce bris de confiance», a résumé l'adéquiste.