Pour la première fois de leur histoire, le Parti québécois et le Bloc québécois ont adressé une protestation officielle à un chef d'État, en l'occurrence le président français Nicolas Sarkozy qui a accusé le mouvement souverainiste de «sectarisme».

Une lettre de quatre pages cosignée par les deux chefs de parti a été envoyée mercredi à l'ambassade de France à Ottawa. Sur un ton diplomate, on y défend l'ouverture sur le monde des souverainistes tout en déplorant le manque de connaissance du Québec du président français. En page trois, un passage nettement plus virulent se démarque. «Jamais un chef d'État étranger n'a autant manqué de respect aux plus de deux millions de Québécois qui se sont prononcés pour la souveraineté, peut-on lire. Aucun n'a utilisé envers le mouvement indépendantiste les épithètes pour tout dire méprisantes que vous employez.»

Cette attaque «inadmissible» contre les souverainistes québécois commandait un «geste exceptionnel», a expliqué la chef du Parti québécois Pauline Marois en point de presse hier à Montréal. «Parler de sectarisme, de renfermement sur soi, de détestation, d'opposition féroce à l'autre est totalement irrespectueux envers tous les Québécois, et en particulier envers le mouvement souverainiste, a déclaré Pauline Marois. M. Sarkozy devrait élargir le cercle de personnes qui l'informent sur le Québec.»

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, juge quant à lui les déclarations de M. Sarkozy «inacceptables». «Nous ne pouvons accepter qu'un dirigeant, fût-il un frère, comme il le dit, tienne de tels propos envers des millions de Québécois.» On est loin, estime-t-il, de la formule classique utilisée par des présidents américains préférant un Canada uni. «Jamais ils ne dénigraient ou ne maquillaient la réalité comme M. Sarkozy l'a fait. Je pense qu'ils sont très bien informés. Ils manifestent leur position, ce qui est leur droit, mais dans le plus profond respect de ceux dont l'opinion diffère.»

Accueil tumultueux

Dans des missives enflammées disponibles sur l'internet, certains souverainistes ont promis de réserver un accueil tumultueux au président français lors de sa prochaine visite au Québec. Pauline Marois a pris ses distances de cet appel à l'agitation. «Nous sommes capables de recevoir avec respect des représentants d'autres nations, peu importe qui ils sont.»

La chef du PQ a également répliqué à la déclaration du ministre libéral Raymond Bachand. Ancien souverainiste recruté par le PLQ en 2005, M. Bachand a approuvé en partie les propos de Nicolas Sarkozy en affirmant qu'il existait une frange du PQ «moins tolérante». «Ça fait longtemps que M. Bachand ne fréquente plus le mouvement souverainiste, dit Mme Marois. Ce serait peut-être intéressant qu'il le fréquente à nouveau. Il constaterait que nous sommes toujours ce parti ouvert qu'a voulu fonder René Lévesque.»

C'est la première fois que le PQ recourt à cette arme diplomatique qu'est la lettre officielle pour se plaindre d'un chef d'État, affirme la députée Louise Beaudoin, qui a été ministre des Relations internationales dans deux gouvernements péquistes. En octobre 1995, rappelle-t-elle, deux semaines avant le référendum, Bernard Landry avait envoyé une lettre au secrétaire d'État américain Warren Christopher. Celui qui détenait alors le portefeuille de ministre des Affaires intergouvernementales prévenait l'administration américaine de ne pas intervenir dans le débat référendaire. «Mais c'était pour leur demander de rester neutres, ce n'était pas du même style (que la lettre envoyée à Sarkozy)», estime Mme Beaudoin.

Duceppe intolérant, dit Harper

À Ottawa, le premier ministre Stephen Harper a bondi sur les déclarations de Gilles Duceppe pour l'accuser d'être intolérant envers ceux qui n'appuient pas l'option souverainiste.

«Au lieu de travailler ensemble pour améliorer l'économie, le chef du Bloc fait à nouveau preuve d'intolérance envers ceux et celles qui ont une opinion différente de la sienne. Le chef du Bloc insulte le président de la France ainsi que les députés du Québec en cette Chambre et divise les Québécois à cause de son idéologie sectaire. Il oublie toujours qu'une des valeurs québécoises fondamentales est le respect des opinions des autres», a lancé le premier ministre.

C'était la troisième fois en trois jours que Stephen Harper attaquait le chef bloquiste de la sorte.

MAROIS CONTRE LA BATAILLE DES PLAINES

Pauline Marois change son fusil d'épaule et exige à son tour l'abandon du projet de reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham. La chef péquiste a justifié hier sa volteface en accusant le président de la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN), André Juneau, d'avoir «menti « sur les visées politiques fédéralistes des activités de commémoration. Elle a fait allusion aux informations obtenues en début de semaine par le quotidien Le Devoir. On y rapportait que M. Juneau est un «ardent promoteur de la visibilité canadienne «, enthousiasmé par le défunt programme des commandites et qui caressait depuis des années le projet de célébrer le 250e anniversaire de la bataille de 1759.