Le commissaire à l'éthique et aux conflits d'intérêts, Mario Dion, est libre de déposer quand il le jugera opportun, et ce, même si c'est en pleine campagne électorale, son rapport d'enquête sur l'affaire SNC-Lavalin. Une possibilité qui se pose telle une épée de Damoclès au-dessus de la tête du premier ministre Justin Trudeau à sept mois du scrutin fédéral.

Alors qu'il tentera de convaincre les électeurs canadiens de le reconduire au pouvoir l'automne prochain, Justin Trudeau devra composer avec la publication possible des conclusions du commissaire Mario Dion, qui détermineront s'il y a eu ou non des pressions politiques indues à l'endroit de l'ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour qu'elle infirme la décision de la Directrice des poursuites pénales d'écarter l'option de négocier une entente de réparation avec la firme d'ingénierie québécoise.

« Le commissaire n'est pas lié par une convention parlementaire qui pourrait empêcher la publication d'un rapport en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts. »

- Le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique à La Presse

Ces « rapports d'étude », toujours en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts, sont rendus publics sans être déposés à la Chambre des communes. C'est donc dire que les fruits de l'enquête sur la controverse SNC-Lavalin pourront être publiés même lorsque le Parlement sera dissous par la gouverneure générale, vraisemblablement après la fête du Travail, en septembre prochain.

C'est que Mario Dion, bien qu'il soit l'un des agents du Parlement, n'est pas soumis aux mêmes règles que la majorité des autres. À titre d'exemple, le vérificateur général ou le commissaire aux langues officielles ne peuvent déposer leur rapport respectif que lorsque la Chambre des communes est en session.

De six à huit mois de travail

M. Dion, qui se trouve actuellement en congé de maladie, a estimé lui-même que ses travaux pourraient prendre de six à huit mois, ce qui nous amène en pleine période électorale. Lorsqu'il livrera ses conclusions, il soumettra son rapport au premier ministre et devra fournir un double aux auteurs de la demande d'enquête, soit, dans ce cas-ci, les députés néo-démocrates Nathan Cullen et Charlie Angus.

En 2003, le rapport explosif de la vérificatrice générale Sheila Fraser sur le scandale des commandites n'avait pu être déposé comme prévu, parce que l'ancien premier ministre Jean Chrétien avait décidé de proroger le Parlement avant de passer le pouvoir à son ex-rival et ancien ministre des Finances, Paul Martin.

Le rapport en question n'a été déposé que quelques mois plus tard, à l'hiver 2004, après la présentation du discours du Trône du gouvernement formé par Paul Martin. Le ressac avait été tel que les libéraux ont été réduits à un gouvernement minoritaire aux élections de juin de la même année. Ce gouvernement avait été renversé après seulement 18 mois.

Le commissaire va mieux

Par ailleurs, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique a confirmé à La Presse que M. Dion « se sent bien » et qu'il « espère pouvoir être de retour » au travail « le plus rapidement possible ». Il y a moins de deux semaines, le Commissariat avait indiqué qu'il n'était plus en mesure d'exercer ses fonctions en raison de son état de santé.

« Bien que le commissaire Dion soit absent du Commissariat à ce moment, il continue d'avoir de nombreuses discussions avec les membres de son personnel », a fait savoir son bureau, assurant que l'équipe de M. Dion poursuit le travail d'enquête en cours malgré ces « circonstances exceptionnelles ».

Dès les premières heures de l'éclatement de l'affaire SNC-Lavalin, les députés du NPD Charlie Angus et Nathan Cullen se sont adressés au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique pour qu'il tire la controverse au clair. Acquiesçant à leur demande d'enquête, M. Dion a dit « avoir des raisons de croire » qu'une infraction à l'article 9 de la Loi sur les conflits d'intérêts pouvait avoir été commise.

L'article 9 interdit à tout titulaire de charge publique « de se prévaloir de ses fonctions officielles pour tenter d'influencer la décision d'une autre personne dans le but [...] de favoriser de façon irrégulière [l'intérêt] de toute autre personne ».