Le premier ministre Justin Trudeau n'a pas l'intention d'expulser du caucus libéral l'ancienne présidente du Conseil du Trésor, Jane Philpott, alors qu'une longue entrevue que la principale intéressée a accordée au Maclean's au sujet de l'affaire SNC-Lavalin place de nouveau le gouvernement dans l'embarras.

« Une des forces du Parti libéral a toujours été que l'on reconnaît que la diversité est une source de force. Ça veut dire pas seulement la diversité géographique ou identitaire, mais la diversité d'opinion aussi. C'est ce qu'on a toujours eu au sein du Parti libéral et c'est ce qu'on va continuer d'avoir », a affirmé M. Trudeau, lors d'une annonce à Mississauga.

« En même temps, nous sommes unis dans notre conviction d'investir dans la classe moyenne, lutter contre les changements climatiques et continuer vers la réconciliation avec les autochtones [...] Et à ce niveau-là, nous sommes tous tout à fait d'accord », a-t-il ajouté, rappelant que Mme Philpott ainsi que Jody Wilson-Raybould ont affirmé vouloir continuer de défendre les couleurs libérales aux prochaines élections fédérales.

Une entrevue exclusive de Jane Philpott, accordée au magazine Maclean's, a provoqué un énième coup de tonnerre à Ottawa alors que l'ancienne ministre, qui a claqué la porte du cabinet le 4 mars, sort de son mutisme en affirmant « qu'il y a encore beaucoup à savoir » dans cette controverse qui ébranle le gouvernement de Justin Trudeau.

« Il y a encore dans cette histoire beaucoup de choses qui doivent être dites », soutient Jane Philpott alors qu'elle explique qu'il y a eu une « tentative de taire l'histoire ». Une tentative qu'elle attribue au premier ministre lui-même et à ses proches conseillers, rapporte ce matin le Maclean's.

Interrogé sur la sortie de sa députée, Justin Trudeau a soutenu que l'enjeu « principal » de l'affaire SNC-Lavalin est de savoir si oui ou non, l'ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a subi des pressions inappropriées pour faire éviter à la firme d'ingénierie un procès criminel.

« Nous avons accordé un privilège sans précédent en levant le secret professionnel de Mme Wilson-Raybould pour lui permettre de livrer un témoignage complet devant le comité de la justice pour que les personnes impliquées puissent s'exprimer », a-t-il indiqué, se disant satisfait du travail accompli par le comité.

Justin Trudeau a d'ailleurs précisé que lors du remaniement ministériel du 14 janvier dernier - lors duquel Mme Wilson-Raybould a été mutée au ministère des Anciens combattants et Mme Philpott nommée à la présidence du Conseil du Trésor - Mme Philpott lui a demandé si le choix de retirer le ministère de la Justice à Mme Wilson-Raybould était motivé par « la décision sur SNC-Lavalin ».

« Je lui ai répondu clairement que non, ce n'était pas le cas », a-t-il assuré.

Dans la longue entrevue au magazine Maclean's, l'ancienne présidente du Conseil du Trésor et proche de Jody Wilson-Raybould se livre pour une première fois depuis qu'elle a quitté le cabinet libéral, le 4 mars dernier, au motif qu'elle n'avait plus confiance en la gestion de l'affaire SNC-Lavalin par le gouvernement Trudeau.

Mme Philpott, qui dit avoir hésité à accorder cette entrevue, affirme être bien consciente que certains de ses collègues libéraux craignent de ne pas être réélus en raison de sa démission, qui a provoqué un nouveau séisme politique alors que le gouvernement cherche tant bien que mal à passer à autre chose.

« La seule façon pour être bien avec moi-même sur cet enjeu, c'est de me dire que ce n'est pas ma faute. Que je n'ai pas commencé tout ça », admet-elle.

Selon Mme  Philpott, les Canadiens ont maintenant le droit de connaître tous les détails de cette affaire et il appartient aux politiciens élus de leur accorder ce droit. Elle estime par ailleurs que les travaux menés par le comité de la justice de la Chambre des communes n'ont pas permis de couvrir tous les aspects de cette crise.

Hier, le nouveau et dernier plan budgétaire du gouvernement Trudeau avant l'élection de l'automne a rapidement été relégué au second rang alors que l'affaire SNC-Lavalin a continué de causer des remous. La députée de Whitby, en Ontario, Celina Caesar-Chavannes, a entre autres annoncé qu'elle siégera à titre de députée indépendante.

C'était aussi le premier caucus libéral depuis la démission de Jane Philpott. Tout juste avant la rencontre, le premier ministre Justin Trudeau avait confirmé aux journalistes qu'il n'avait pas d'objection à ce qu'elle, ainsi que Jody Wilson-Raybould briguent, les suffrages sous la bannière libérale lors des élections d'octobre.

Habituées des réseaux sociaux, les deux principales intéressées sont demeurées silencieuses hier. Selon nos informations, Mme  Philpott n'a d'ailleurs pas assisté à la rencontre du caucus libéral.

Les conservateurs ne décolèrent pas 

Pendant ce temps, le marathon de votes se poursuit aux Communes, après avoir siégé toute la nuit, alors que les conservateurs souhaitent maintenir la pression sur le gouvernement dans l'affaire SNC-Lavalin. L'opposition a inscrit 257 votes au feuilleton et donné en début de soirée, mercredi, le coup d'envoi à une séance ininterrompue de votes qui pourrait durer de 35 à 40 heures.

Déterminés à entendre de nouveau Jody Wilson-Raybould, les conservateurs d'Andrew Scheer ont aussi renvoyé hier l'affaire SNC-Lavalin au comité à l'éthique de la Chambre des communes - un des rares comités présidés par un député de l'opposition.

Le président de ce comité, Bob Zimmer, a confirmé que la requête était recevable, et que les membres pourraient débattre pour déterminer s'ils convoquent ou non des témoins. Les députés libéraux, qui sont toutefois majoritaires à ce comité, pourraient une fois de plus couper court aux intentions des conservateurs et des néo-démocrates.

Le comité de justice de la Chambre des communes a mis fin à son examen de la controverse mardi, ce qui a provoqué la colère des partis d'opposition.