Jody Wilson-Raybould, l'ancienne ministre de la Justice qui a accusé le premier ministre Justin Trudeau d'avoir fait des pressions indues sur elle dans le dossier SNC-Lavalin, a confirmé qu'elle a l'intention de se présenter sous la bannière libérale aux élections d'octobre prochain.

Par le biais d'une lettre ouverte publiée vendredi dans son site internet, Mme Wilson-Raybould souligne que la controverse politique a été une « prise de conscience » pour les Canadiens sur la « culture de conflit, de partisanerie vide et de manoeuvres cyniques ».

Malgré tout, elle prévoit se représenter pour le Parti libéral du Canada dans la circonscription de Vancouver-Granville étant donné qu'elle s'est impliquée en politique pour changer cette culture - et elle croit avoir beaucoup de travail à faire.

« Au-delà de la partisanerie et de l'image, il y a la politique du changement qui est mise de l'avant en mobilisant nos valeurs fondamentales -indépendamment de leur allégeance politique - en lois, politiques et actions concrètes », a-t-elle soutenu.

Elle a ajouté qu'elle ne se serait jamais attendue à se retrouver au centre de la controverse qui a culminé le mois dernier par sa démission du cabinet.

« Je faisais juste mon travail et je ne m'attendais pas à ce que cela devienne un enjeu national. »

Dans son témoignage devant le comité de la justice et des droits de la personne des Communes, Mme Wilson-Raybould a déclaré que le premier ministre et des membres de son bureau avaient fait pression de manière inappropriée pour qu'elle aide la firme d'ingénierie montréalaise SNC-Lavalin à éviter un procès criminel pour corruption en négociant un accord de poursuite suspendue, comme le permet la loi dans certains cas.

Le premier ministre Trudeau dit qu'il croyait que sa ministre était disposée à recevoir des informations supplémentaires qui pourraient affecter sa décision, et a demandé à son personnel de fournir ces informations, dont l'impact potentiel sur les 9000 employés canadiens de l'entreprise québécoise.

Il souhaitait également qu'elle envisage d'obtenir un avis juridique externe sur le recours aux ententes de poursuite suspendue, un nouvel outil en droit canadien permettant d'éviter un procès en échange d'amendes et d'une surveillance externe.

Le comité de la justice et le commissaire à l'éthique enquêtent tous les deux sur les allégations et la GRC a été chargée de mener une enquête. L'Organisation de coopération et de développement économiques a aussi exprimé sa préoccupation, affirmant qu'elle surveillait les enquêtes.

Avenir incertain des députées

Jody Wilson-Raybould a démissionné de son poste au cabinet le 12 février, environ un mois après avoir été mutée de la Justice aux Anciens Combattants. Selon elle, cette décision a été précipitée par son refus de changer d'avis sur l'affaire SNC-Lavalin, allégation que M. Trudeau a démentie.

Elle reste une députée libérale, tout comme Jane Philpott, qui a démissionné de son poste au cabinet le 4 mars, affirmant qu'elle avait perdu confiance dans la manière dont le bureau du premier ministre avait géré l'affaire.

M. Trudeau a déjà indiqué qu'il avait besoin de plus de temps pour décider s'il allait expulser Mmes Wilson-Raybould et Philpott du caucus libéral. Les deux députées ont déjà été investies dans leur circonscription respective.

Mme Wilson-Raybould croit d'ailleurs que toute l'histoire sur SNC-Lavalin n'a pas été racontée.

« Ces enjeux sont toujours en développement et nécessitent plus de clarté et d'informations », a-t-elle indiqué.

Motion des conservateurs

Les conservateurs vont tenter lundi de donner à Mme Wilson-Raybould la chance de fournir plus de détails.

Ils présenteront une motion à la Chambre des communes pour demander à M. Trudeau d'élargir la levée des restrictions de confidentialité qu'il a accordée à Mme Wilson-Raybould, afin que l'ancienne ministre soit libre de dire pourquoi elle a été écartée du portefeuille de la justice à la mi-janvier et pourquoi elle a finalement démissionné du cabinet.

Mme Wilson-Raybould a déjà affirmé que les restrictions actuelles ne lui permettaient pas d'expliquer pourquoi elle avait démissionné du cabinet ou de dévoiler le contenu de ses échanges au cabinet lors d'une réunion inhabituelle à laquelle elle avait assisté une semaine après sa démission.

Le comité de la justice doit se réunir mardi pour déterminer si l'ancienne ministre pourrait être rappelée comme témoin.