Le porte-parole néo-démocrate en matière de justice, Murray Rankin, estime que le gouvernement canadien devrait suivre l'exemple d'États américains qui ont décidé d'effacer des casiers judiciaires les condamnations antérieures pour possession simple de cannabis.

Fin février, les autorités de San Francisco ont annoncé qu'elles effaceraient des dossiers toute trace de 9000 condamnations pour possession simple de cannabis remontant à 1975. L'été précédent, la Californie avait adopté une loi qui demandait aux procureurs de l'État d'effacer des dizaines de milliers de condamnations.

Au Canada, le gouvernement libéral a présenté un projet de loi qui faciliterait la demande de « pardon » pour une condamnation antérieure de possession simple de cannabis. Cette « suspension » de casier judiciaire, en fait, laisserait tout de même une trace de la condamnation, accessible dans certaines circonstances.

« En Californie, ils passent à la radiation, pas à la suspension », a déclaré M. Rankin en entrevue, vendredi. « Les candidats démocrates à la présidentielle parlent tous de radiation. J'aimerais (que les libéraux au Canada) regardent au sud de la frontière pour voir que le débat qu'ils tiennent maintenant a déjà eu lieu là-bas, et les gens ont compris que la radiation est la voie à suivre. »

La radiation des casiers judiciaires implique leur destruction permanente. Au Canada, la « Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques », entrée en vigueur au début de 2018, permet la destruction ou la suppression définitive des bases de données fédérales de certains casiers judiciaires pour des condamnations qualifiées aujourd'hui d'injustes. La loi reconnaît que « la criminalisation d'une activité peut constituer une injustice historique en raison du fait que, si elle avait lieu aujourd'hui, elle serait incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés ».

M. Rankin, qui ne se représente pas cet automne dans sa circonscription de Victoria, souhaite profiter des quelques mois qu'il lui reste au Parlement pour faire disparaître les antécédents judiciaires de Canadiens condamnés pour possession simple de cannabis, qui constitue de fait, selon lui, une injustice flagrante.

Les personnes marginalisées

Le député en fait aussi une question de justice sociale, car elle concerne de manière disproportionnée les Noirs et les Autochtones, a-t-il déclaré. L'approche de « suspension » choisie par le gouvernement Trudeau est loin d'être suffisante, selon lui, pour aider quelque 500 000 Canadiens déjà condamnés.

Le pays a prouvé qu'il était prêt pour la légalisation du cannabis, a rappelé M. Rankin, et la plupart des Canadiens seraient d'accord pour dire que « le ciel ne leur est pas tombé sur la tête » depuis que la marijuana a été décriminalisée au pays. « Finissons le travail pour les personnes marginalisées qui traînent toujours le boulet de quelque chose qui est aujourd'hui tout à fait légal. »

M. Rankin avait déposé l'année dernière aux Communes son propre projet de loi d'initiative parlementaire, qui prônait la radiation du casier judiciaire. Le député de Victoria soutient qu'il a parlé à des libéraux et à des conservateurs qui ont manifesté leur « vif intérêt » pour cette position. Le député libéral torontois Nathaniel Erskine-Smith a d'ailleurs appuyé le projet de loi Rankin.

« Si nous pouvions convenir que la radiation est la voie à suivre, je ferais tout ce que je peux, avec l'opposition, afin d'aider (les libéraux) à faire adopter au Parlement un meilleur projet de loi pour les Canadiens », a déclaré M. Rankin.

Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a indiqué que le gouvernement accueillait favorablement les « idées constructives » de tout député afin d'améliorer le projet de loi et qu'il examinerait les propositions au cours du processus parlementaire normal. « Notre gouvernement a accepté des amendements de tous les partis à un autre projet de loi déposé par le ministre Goodale », a déclaré Scott Bardsley, directeur des médias et des communications.

Lors du dépôt du projet de loi, le ministre Goodale avait soutenu que la radiation était un « concept juridique très nouveau », conçu exclusivement pour les cas où une loi antérieure constituait une violation des droits de la personne et serait aujourd'hui contraire à la Charte.

« J'espère qu'ils travailleront avec moi, qu'ils me permettront de travailler avec eux afin d'améliorer le projet de loi », a déclaré M. Rankin. « Si c'est trop tard, je suis très triste et très troublé, en fait, parce qu'ils auraient pu le faire il y a des mois et qu'ils auraient dû le faire [...] Pourquoi (le ministre) ne voit-il pas qu'il devrait aller aussi loin que les Américains ? »