Le premier ministre Justin Trudeau confirme que l'ancienne ministre de la Justice et Procureure générale Jody Wilson-Raybould l'avait informé le 17 septembre qu'elle n'avait pas l'intention d'intervenir pour négocier un accord de réparation à SNC-Lavalin pour lui éviter un procès criminel.

Mais à ses yeux, cette décision n'était pas finale parce qu'il lui avait demandé de continuer d'évaluer d'autres options étant donné qu'un procès criminel pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'entreprise et les 9000 emplois qu'elle compte au pays.

En conférence de presse, jeudi matin, M. Trudeau a aussi confirmé avoir évoqué le fait qu'il est « le député de Papineau » durant cette même rencontre avec son ex-ministre, mais cela ne constitue pas à ses yeux de l'ingérence politique dans un procès criminel puisqu'il a pris le temps de lui réitérer que « la décision revenait au procureur général » dans ce dossier.

« J'ai le grand honneur de représenter Papineau depuis plus de 10 ans maintenant. Et j'ai à coeur les familles, les travailleurs, les étudiants qui habitent mon comté. Mais ce commentaire n'était pas de nature partisane. C'est notre travail, en tant que parlementaires, de défendre les intérêts de communautés qui nous ont élus pour les représenter, d'être les voix de ces communautés à Ottawa. »

Il a précisé avoir souligné à la ministre durant cette seule rencontre qu'il a eue avec Mme Wilson-Raybould où le dossier SNC-Lavalin a été abordé qu'il était important de protéger les emplois au pays, et que ce dossier était « d'une grande importance nationale ».

Selon M. Trudeau, son ex-ministre a affirmé, avant de quitter son bureau, qu'elle allait discuter du dossier avec la sous-ministre de la Justice, Nathalie Drouin, et le greffier du Conseil privé Michael Wernick.

« Dans les mois qui ont suivi cette rencontre, j'ai demandé à mon personnel de faire le suivi concernant la décision finale de Mme Wilson-Raybould. Je me rends compte maintenant que j'aurais dû le faire moi-même, personnellement, étant donné l'importance de cette question et les emplois qui étaient en jeu. Au cours des derniers jours, j'ai révisé les témoignages devant le comité de la justice, y compris celui de Mme Wilson-Raybould, Gerald Butts, le greffier du Conseil privé, et la sous-ministre de la Justice, faisant étant de diverses interactions » a expliqué M. Trudeau.

« Chacune de ces conversations étaient une conversation entre des collègues quant à la manière de s'attaquer à un enjeu de taille. Ces conversations sont survenues au moment où mon équipe et moi croyions que l'ancienne ministre de la Justice et Procureure générale était ouverte à l'idée de considérer d'autres aspects de l'intérêt public. Toutefois, je comprends maintenant qu'elle voyait les choses différemment », a a-t-il ajouté.

Devant les journalistes, le premier ministre a indiqué que l'affaire SNC-Lavalin est en quelque sorte un malentendu entre des employés de son bureau et l'ancienne ministre, qui a remis sa démission le 12 février après avoir été mutée au ministère des Anciens combattants.

Reprenant des explications employées par son ancien secrétaire principal Gerald Butts, qui a témoigné devant le comité de la justice mercredi, M. Trudeau a affirmé qu'il y a eu une « érosion de la confiance » entre son bureau et Mme Wilson-Raybould qui a mal tourné.

Le premier ministre a affirmé qu'il n'était « pas au courant » de cette érosion de confiance. « En tant que premier ministre et chef du conseil des ministres, j'aurais dû l'être ». Il a aussi soutenu que l'ex-ministre ne lui avait jamais exprimé de vive voix son malaise devant la situation, « et j'aurais aimé qu'elle le fasse ».

M. Trudeau a aussi soutenu, à l'instar de M. Butts, que son bureau n'a jamais exercé de pressions indues sur l'ex-ministre de la Justice et Procureure générale.

Alors que cette tempête politique dure depuis un mois, M. Trudeau a dit avoir appris des leçons des événements des dernières semaines. Il a d'ailleurs annoncé qu'il sollicitera des avis externes afin de déterminer si les fonctions de ministre de la Justice et celles de Procureur général doivent continuer d'être assumées par une seule personne ou doivent être confiées à deux ministres.

L'opposition ne lâche pas le morceau

Selon les partis de l'opposition, les explications du premier ministre Justin Trudeau sont loin d'être convaincantes.

« Aujourd'hui, M. Trudeau a parlé de "l'érosion de la confiance". Il a raison sur ce point. La véritable érosion de confiance dans cette histoire est entre Justin Trudeau et les Canadiens. Son gouvernement ne peut être racheté. Il doit être défait. Les conservateurs sont prêts », a affirmé le chef du Parti conservateur Andrew Scheer sur son compte Twitter.

« Ce que nous avons entendu de Justin Trudeau est une tentative de justifier et normaliser la corruption. Il est clair qu'au sein de son gouvernement, l'ingérence politique et le mépris de la loi sont la façon de faire. Il est un PM qui a perdu l'autorité morale de gouverner », a-t-il ajouté.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a réitéré qu'une enquête publique est incontournable si l'on veut faire la lumière sur cette affaire.

« Ce qu'on a vu ce matin du PM Trudeau n'était pas de la responsabilité ni des excuses ; il blâmait tout le monde sauf lui. Il a discrédité le témoignage de la première Autochtone à agir comme procureure générale au Canada. Les gens ont perdu confiance ; il faut une enquête publique », a-t-il écrit sur son compte Twitter.