L'ancienne ministre de la Justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould a donné l'instruction de bloquer la transmission d'un avis juridique portant sur les conséquences potentielles d'une condamnation au criminel pour SNC-Lavalin.

C'est ce qu'a affirmé la sous-ministre de la Justice et sous-procureure Nathalie Drouin alors qu'elle témoignait pour une deuxième fois en moins de deux semaines devant le comité permanent de la justice et des droits de la personne, mercredi après-midi.

Elle a raconté aux élus que son ancienne patronne lui avait fait part le 18 septembre dernier de son « inconfort face au contenu de la conversation » qu'elle avait eue la veille lors d'une rencontre avec Justin Trudeau, alors que le premier ministre avait soulevé l'enjeu.

Puis, le lendemain, « je me souviens très bien que l'ex-procureure générale m'a dit que ce serait la dernière fois que l'on discuterait de l'affaire SNC-Lavalin, et elle m'a aussi donné l'instruction de ne pas avoir de discussions avec la directrice des poursuites pénales », a-t-elle exposé.

La sous-ministre n'a dès lors plus eu d'échanges avec la ministre ou des membres de son personnel au sujet de ce dossier, à deux exceptions près. La deuxième s'est produite vers la fin du mois d'octobre.

« Le bureau du Conseil privé a demandé un avis à mon ministère sur les conséquences possibles pour SNC-Lavalin d'une condamnation au criminel. Mon ministère avait élaboré un projet d'avis juridique », s'est souvenue Nathalie Drouin.

« Cet avis n'a pas été fourni au bureau du Conseil privé », a-t-elle révélé.

Cette déclaration a semblé passer sous le radar jusqu'à ce que le député libéral Randy Boissonnault ne s'en saisisse.

« Laissez-moi poser la question simplement : vous n'avez pas fourni le rapport au bureau du Conseil privé à la demande de votre ministre ? », s'est enquis l'élu.

« C'est exact », lui a répondu la haute fonctionnaire.

Avis réclamé

Vers la fin de l'exercice, lorsqu'est venu son trois minutes de temps de parole, le député bloquiste Louis Plamondon a pour sa part demandé à la sous-ministre Drouin s'il pourrait obtenir une copie de l'avis juridique en question.

Si l'ancienne ministre a bloqué cet avis, cela « voudrait dire que pour elle, il n'y avait qu'une seule voix et qu'elle n'écoutait aucune autre voix, même si cette voix-là pouvait venir d'un avis juridique ou de sa sous-ministre », s'est inquiété l'élu en mêlée de presse après la réunion.

Et cela pourrait potentiellement enlever « énormément de crédibilité à toute l'action qu'elle a entreprise contre le gouvernement », a suggéré Louis Plamondon. En comité, la sous-ministre lui a dit qu'elle ferait suivre la requête d'obtention du rapport, qui est « à l'étape du brouillon ».

Wernick persiste et signe

En plus du témoignage de Nathalie Drouin, les élus du comité ont eu droit mercredi à celui du greffier du Conseil privé, Michael Wernick. Lui aussi en était à sa deuxième visite en l'espace de moins de deux semaines.

Le plus haut fonctionnaire du gouvernement a passé les premières minutes de sa déclaration préliminaire à défendre sa neutralité, se disant « profondément déçu » que des gens qui ne le connaissent pas le taxent de partisanerie, notamment sur les réseaux sociaux.

« Je maintiens totalement mon témoignage du 21 février », a-t-il tranché.

L'approche que l'on a préconisée dans ce dossier a été celle de la « non-ingérence/non-indifférence » - et « plusieurs fois », on a assuré l'ex-ministre que la décision finale était la sienne dans le dossier de SNC-Lavalin, a-t-il soutenu.

Il a par ailleurs nié avoir proféré des « menaces voilées » à l'endroit de Jody Wilson-Raybould, contrairement à ce que celle-ci a affirmé devant le comité mercredi dernier, dans un témoignage qui a eu l'effet d'une bombe sur la colline.

« Le 19 septembre [...] l'ex-procureure générale m'a dit que ce serait la dernière fois que l'on discuterait de l'affaire SNC-Lavalin, et elle m'a aussi donné l'instruction de ne pas avoir de discussions avec la directrice des poursuites pénales », a-t-il dit.

Cette seconde comparution de Michael Wernick a donné lieu à des échanges très corsés avec les députés de l'opposition, au premier chef la conservatrice Lisa Raitt et le néo-démocrate Charlie Angus.

Le Parti conservateur, le Nouveau Parti démocratique et la chef du Parti vert, Elizabeth May, ont réclamé la démission du fonctionnaire numéro un du gouvernement fédéral à l'issue de son premier témoignage.