Les libéraux espèrent faire le plein de munitions pour se défendre contre les accusations d'ingérence politique dans le système de justice lorsque l'ancien secrétaire principal du premier ministre Justin Trudeau donnera sa version de la saga SNC-Lavalin.

Gerald Butts témoignera mercredi matin sur l'affaire - qui a coûté à Justin Trudeau deux ministres et son plus proche conseiller - devant le comité de la justice de la Chambre des communes.

Il sera suivi en après-midi par le haut fonctionnaire fédéral Michael Wernick et par la sous-ministre de la Justice, Nathalie Drouin, tous deux très présents dans le témoignage explosif de l'ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould, la semaine dernière. Elle a accusé M. Trudeau, M. Butts, d'autres responsables du cabinet du premier ministre, M. Wernick et le bureau du ministre des Finances Bill Morneau d'avoir fait pression de manière inappropriée pour qu'elle mette un terme aux poursuites criminelles engagées contre SNC-Lavalin.

Les deux hauts fonctionnaires ont témoigné il y a deux semaines, mais c'était avant que Mme Wilson-Raybould n'accuse M. Wernick, le greffier du Conseil privé, d'avoir proféré des menaces voilées selon lesquelles elle perdrait son poste de ministre de la Justice et de procureure générale si elle n'intervenait pas dans le dossier de SNC-Lavalin. Mme Wilson-Raybould a été mutée au poste de ministre des Anciens Combattants lors d'un petit remaniement ministériel à la mi-janvier - une mutation qui, à son avis, constituait une punition pour ne pas avoir acquiescé face aux pressions.

Elle a accepté le nouveau poste, mais a démissionné un mois plus tard après que des allégations de pressions inappropriées aient fait surface.

Depuis son témoignage, les partis d'opposition ont demandé que M. Wernick, qui est censé ne pas être partisan, soit congédié.

Mme Wilson-Raybould a également révélé qu'elle était en désaccord avec les conseils juridiques de Mme Drouin quant aux choix qui s'offraient à elle à la suite de la décision de la directrice des poursuites pénales en septembre dernier de ne pas proposer au géant montréalais du génie de négocier un accord de réparation. Lors de sa première comparution devant le comité, Mme Drouin a refusé de révéler le conseil qu'elle a donné à Mme Wilson-Raybould, invoquant le secret professionnel.

En tant que procureure générale, Mme Wilson-Raybould aurait pu légalement ordonner au procureur de négocier un accord de réparation - un outil juridique dans les affaires de corruption touchant les entreprises, un peu comme une négociation de plaidoyer de culpabilité. Cela obligerait l'organisation à payer des pénalités sévères, mais lui éviterait une condamnation criminelle qui pourrait la paralyser financièrement.

Dans les prochains jours, il est attendu que Justin Trudeau donne son point de vue sur l'affaire, en fournissant son compte rendu le plus exhaustif à ce jour sur la manière dont le cas de SNC-Lavalin a été géré. Sa déclaration pourrait se faire dès ce mercredi soir, mais plus probablement vendredi ou au début de la semaine prochaine.

« Nous écouterons attentivement les voix, les témoignages et les opinions exprimés, a déclaré mardi Ahmad Cameron, un porte-parole de M. Trudeau. Il y aura plus à dire dans les jours et les semaines à venir alors que nous continuons à réfléchir aux prochaines étapes. »

Depuis le début du tollé il y a un mois, Justin Trudeau n'a fait que nier de façon générale tout acte répréhensible. Il a dit qu'il était en total désaccord avec la description des événements offerte par Mme Wilson-Raybould. Il a martelé que son gouvernement a trouvé un équilibre entre la nécessité de respecter l'indépendance du système judiciaire et les craintes de la perte potentielle de 9000 emplois s'il n'y a pas un arrêt des poursuites contre le géant montréalais du génie. En cas de condamnation, SNC-Lavalin pourrait ne plus pouvoir obtenir de contrats fédéraux pendant 10 ans.

Le premier ministre a semblé plus conciliant lors d'un rassemblement partisan lundi soir, quelques heures après la démission de la présidente du Conseil du Trésor, Jane Philpott, qui avait justifié sa décision par une perte de confiance dans la gestion de l'affaire SNC-Lavalin par le gouvernement. M. Trudeau a reconnu que les préoccupations concernant la manière dont le personnel et les responsables se sont conduits « doivent être prises très au sérieux » et il a assuré qu'elles le sont.

Le témoignage de Gerald Butts devrait contredire de manière assez détaillée la version des événements de Jody Wilson-Raybould.

Il a démissionné du cabinet de Justin Trudeau le mois dernier en soutenant que ni lui ni aucun autre membre du cabinet du premier ministre n'avait mal agi, mais a déclaré qu'il ne voulait pas être une distraction au travail du gouvernement. Sa lettre de démission suggérait qu'il serait plus libre de défendre sa réputation - et vraisemblablement celle de M. Trudeau lui-même et de ses autres collaborateurs - hors du cabinet.

À la suite du témoignage de Mme Wilson-Raybould la semaine dernière, M. Butts a demandé à comparaître devant le Comité de la justice, auquel il a déclaré qu'il présenterait des « documents pertinents ». Il est censé appuyer sa version des événements avec des courriels, des messages texte et d'autres documents, comme l'a fait Mme Wilson-Raybould dans son témoignage.

Jody Wilson-Raybould a déclaré au comité la semaine dernière qu'elle estimait que la pression à laquelle elle était confrontée était inappropriée, mais pas illégale.

Mesdames Wilson-Raybould et Philpott ont toutes les deux annoncé leur intention de rester membres du caucus libéral, même si elles avaient perdu confiance dans le premier ministre.