Le premier ministre Justin Trudeau devrait faire très prochainement une déclaration publique et reconnaître que sa garde rapprochée a pu « insister un peu trop » dans le dossier SNC-Lavalin, selon une source libérale haut placée.

Le premier ministre pourrait s'adresser aux Canadiens plus tôt que tard, soit avant le budget du 19 mars - histoire d'éviter que les annonces contenues dans l'exercice financier, le dernier avant les élections, ne soient occultées par cette saga.

Il n'est pas exclu que cette prise de parole survienne dans les prochains jours, voire cette semaine, a souligné la source libérale, en faisant valoir que Justin Trudeau souhaite communiquer « sa version » et le faire de façon « honnête et sincère ».

Le format de la déclaration « reste à voir », mais une apparition devant le comité parlementaire qui étudie le dossier ne semble pas dans les cartes - on n'a pas aimé la façon dont les conservateurs y ont traité le greffier du Conseil privé, Michael Wernick.

Le gouvernement Trudeau est plongé dans la tourmente depuis près d'un mois ; les allégations d'ingérence politique dans le dossier SNC-Lavalin ont provoqué le départ de deux de ses ministres, dont celle, lundi, de la présidente du Conseil du trésor, Jane Philpott.

Cette démission-choc est survenue après celle de l'ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould, le 12 février dernier.

Et mardi, le premier ministre a annulé deux événements en Saskatchewan pour rentrer à Ottawa et participer à des « rencontres privées ».

L'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, était présent dans la capitale fédérale, pour discuter de l'enjeu des tarifs sur l'acier et l'aluminium. Les deux hommes ont cependant profité de l'occasion pour aborder l'affaire SNC-Lavalin et d'un potentiel « changement de ton ».

L'itinéraire de Justin Trudeau prévoit qu'il consacrera une deuxième journée consécutive à des réunions derrière des portes closes. L'objet de ces rencontres n'est pas précisé dans l'horaire de sa journée de mercredi.

Selon le politologue Thierry Giasson, spécialisé en communication politique, il est grand temps que le gouvernement Trudeau reprenne le contrôle du message et reconnaisse que des « erreurs de jugement » ont été commises.

« La stratégie de communication de ce gouvernement-là est celle de se protéger constamment. Le premier ministre amende son discours constamment. Il est à la remorque des événements, pas du tout en contrôle », a soutenu le professeur à l'Université Laval.

Sans mise au point de Justin Trudeau, l'opposition continuera à juger les déclarations du premier ministre à l'aune du témoignage détaillé de Jody Wilson-Raybould, que l'on présente comme étant celle qui est « fondée et crédible », a-t-il noté.

Le premier ministre n'a jusqu'à présent offert que des bribes d'information et des réactions sur le dossier SNC-Lavalin.

Dans la lettre de mandat de chacun de ses ministres, il mentionne que « si nous faisons des erreurs, nous devons les reconnaître sur-le-champ », et que les gens « s'attendent à ce que nous soyons honnêtes, ouverts et sincères [...] ».

Le chef conservateur Andrew Scheer a réclamé la démission du premier ministre, plaidant que ce dernier avait perdu l'« autorité morale » de gouverner le pays. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) milite pour l'ouverture d'une enquête publique.

Appui du cabinet

Malgré la tempête qui s'abat sur lui, le premier ministre semble toujours bénéficier de l'appui de son conseil des ministres. Le réseau CBC a rejoint lundi les 33 ministres qui siègent encore au cabinet, et tous ont réitéré leur confiance à son endroit.

L'une de ses plus importantes joueuses, Chrystia Freeland, l'a fait de vive voix, mardi.

« Le premier ministre a absolument ma confiance », a dit la ministre des Affaires étrangères en point de presse à Longueuil. Citant la renégociation de l'ALENA en exemple, elle a soutenu qu'elle avait toujours ressenti le soutien du cabinet, du caucus, et de son patron.

« Et selon moi, pour avoir du succès comme gouvernement, il faut être capable de jouer en équipe », a ajouté Mme Freeland, balayant du revers de la main les questionnements soulevés dans certains médias sur la capacité de Justin Trudeau à travailler avec des femmes.

Après avoir poussé un soupir, elle s'est dite « absolument convaincue » que le premier ministre était « un féministe » et a martelé qu'il était un « très très bon boss » pour les députées qu'il a élevées au cabinet.

La présidente du Conseil du trésor, Jane Philpott, a causé une commotion en claquant la porte du conseil des ministres. Dans sa lettre de démission, elle a argué que l'affaire SNC-Lavalin avait eu raison de sa confiance envers le gouvernement.

Lors d'un rassemblement partisan lundi soir à Toronto, le premier ministre a insisté sur le fait que son gouvernement n'avait franchi aucune ligne dans ce dossier. Pendant son discours, il a été interrompu à quelques reprises par les cris de personnes mécontentes.

Il a déclaré qu'il était au courant que Jane Philpott « se sentait comme ça depuis un certain temps », la remerciant pour son service.

Justin Trudeau a appris « le jour même (lundi) » que celle à qui il a confié d'importants mandats depuis 2015 jetait l'éponge, d'après ce qu'a soutenu mardi une source libérale.

M. Trudeau avait procédé à un léger remaniement, vendredi dernier.