Écorché par Jody Wilson-Raybould en comité parlementaire mercredi dernier, Gerald Butts témoignera devant le même comité mercredi matin, à 10h.

Le comité permanent de la justice et des droits de la personne des Communes entendra le témoignage de M. Butts une semaine après que l'ancienne procureure générale a accusé le bureau du premier ministre et le greffier du Conseil privé d'avoir fait pression sur elle pour que l'entreprise québécoise SNC-Lavalin ne subisse pas un procès criminel.

Gerald Butts est un proche ami du premier ministre Justin Trudeau depuis leurs études universitaires, et il est à ses côtés depuis que le chef libéral a lancé sa campagne à la direction du parti, en 2012. M. Butts a aussi joué un rôle important dans la campagne électorale de 2015, qui a porté au pouvoir les libéraux.

Il avait démissionné le 18 février dernier afin, disait-il, ne pas devenir une distraction pour le gouvernement. Il nie toutefois avoir fait quoi que ce soit de répréhensible.

Mercredi après-midi, d'autres témoignages suivront. Le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, et la sous-ministre de la Justice, Nathalie Drouin, reviendront devant le comité. Les deux fonctionnaires s'étaient déjà adressés au comité, mais le témoignage de Mme Wilson-Raybould les a interpellés directement. L'ex-ministre a accusé M. Wernick d'avoir agi comme un émissaire de Justin Trudeau dans le dossier SNC-Lavalin, et Mme Drouin en aurait été témoin, selon Mme Wilson-Raybould.

SNC-Lavalin fait face à des accusations de fraude et de corruption relativement à des contrats décrochés en Libye. Au début du mois de février, des allégations ont commencé à circuler selon lesquelles Mme Wilson-Raybould n'interviendrait pas auprès du bureau des poursuites criminelles afin de forcer la conclusion d'un accord de réparation.

De tels «accords de poursuite suspendue» prévoient de la surveillance et des sanctions financières, mais permettent surtout à l'entreprise fautive d'éviter un procès : une condamnation lui interdirait de participer aux appels d'offres pour des contrats publics.

L'ex-ministre a finalement démissionné quelques jours après la publication des allégations et elle a relaté sa version détaillée des événements la semaine dernière au comité des Communes.

Trudeau en réflexion

Mme Wilson-Raybould demeure députée libérale et elle a affirmé en fin de semaine qu'elle avait toujours l'intention de se présenter sous cette bannière aux prochaines élections, en octobre.

De passage à l'Île-du-Prince-Édouard, lundi, M. Trudeau a déclaré qu'il n'avait toujours pas pris de décision pour déterminer s'il gardera son ex-ministre dans ses rangs. «Ce n'est pas une situation que nous pouvons prendre à la légère, alors nous prenons le temps de réfléchir», a-t-il indiqué.

La ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, a affirmé lundi qu'elle était satisfaite que Mme Wilson-Raybould ait pu donner sa version des faits, mais elle a souligné que plusieurs autres témoins devaient être entendus, dont Gerald Butts.

«Il y a une diversité de points de vue là-dessus, a-t-elle expliqué, à Ottawa. Je crois le premier ministre quand il dit qu'il n'a pas mis de la pression indue, que ses employés n'ont pas mis de pression indue sur Jody Wilson Raybould, et je crois que nous entendrons plus de témoignages cette semaine.»

Le NPD réclame la démission de Wernick

En attendant, le député néo-démocrate Charlie Angus a réclamé, lundi, la démission de Michael Wernick qui, selon lui, s'est «gravement compromis» dans son premier témoignage au comité sur l'affaire SNC-Lavalin.

Dans une lettre ouverte transmise au premier ministre Trudeau, M. Angus juge que M. Wernick a été incendiaire et sensationnaliste lorsqu'il a indiqué au même comité de la justice des Communes qu'il se disait préoccupé par la possibilité que la rhétorique acerbe de certains politiciens ne mène à un assassinat au Canada.

M. Wernick avait aussi défendu le bilan du gouvernement libéral sur les questions autochtones et l'intégrité. Selon M. Angus, ces déclarations étaient inappropriées pour un fonctionnaire qui doit être neutre politiquement.

L'ancienne ministre Wilson-Raybould a aussi relaté la semaine dernière que M. Wernick l'avait contactée pour éviter un procès criminel à SNC-Lavalin. Selon M. Angus, le greffier du Conseil privé est ainsi un «joueur central dans une controverse très politique».

M. Wernick occupe ce poste depuis 2016, après une longue carrière dans la fonction publique fédérale.