Le Canada et le Royaume-Uni organiseront à Londres cet été un sommet international sur les menaces croissantes pour la liberté de la presse et sur la promotion d'une meilleure protection des journalistes.

Selon des sources, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland - une journaliste avant de se lancer en politique - et son homologue britannique Jeremy Hunt travaillent sur cette idée depuis des mois.

Les représentants canadiens ont parlé sous la condition de l'anonymat parce qu'ils n'étaient pas autorisés à discuter de la conférence avant son annonce officielle.

Le bureau de la ministre Freeland a confirmé tard mardi que le Canada et le Royaume-Uni « organiseront ensemble une conférence sur la liberté des médias à Londres, les 10 et 11 juillet ».

« Dans toute démocratie, les journalistes doivent pouvoir rendre compte librement des faits et rechercher, exposer et défendre la vérité sans crainte de représailles, de violence ou d'emprisonnement. Le Canada défendra toujours ce droit », déclare la ministre par communiqué.

Des sources ont déclaré que les pourparlers entre Mme Freeland et M. Hunt avaient progressé au point où ils fixent désormais la date du début de la réunion de deux jours au 10 juillet. Y participeront des membres des gouvernements, de la société civile et des journalistes.

Mme Freeland aurait été influencée par deux affaires très médiatisées : l'emprisonnement de deux reporters de Reuters condamnés à sept ans de prison au Myanmar pour violation de la loi sur les secrets officiels du pays et l'assassinat et le démembrement du chroniqueur du Washington Post, Jamal Khashoggi, au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul l'automne dernier.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a répété à plusieurs reprises que les médias d'information étaient « l'ennemi du peuple », mais des sources ont démenti que sa rhétorique anti-médias ait également été un facteur.

« C'est un thème auquel la ministre Freeland a beaucoup pensé, en particulier à cause des cas des deux journalistes au Myanmar et de l'affaire Khashoggi, a déclaré une source.

"Mais de manière générale, le climat actuel affecte la capacité des journalistes à faire leur travail librement. (Mme Freeland et M. Hunt) ont cette préoccupation commune et c'est la genèse de tout cela. »

Mme Freeland, qui travaillait auparavant à Reuters, a condamné les peines de sept ans d'emprisonnement infligées à Wa Lone et Kyaw Soe Oo, qui relataient la persécution des musulmans rohingya dans l'État de Rakhine, au Myanmar. Une répression militaire a chassé environ 900 000 Rohingya du Myanmar vers le Bangladesh voisin.

Les deux journalistes couvraient le massacre du peuple rohingya par l'armée birmane en 2017 et disent qu'ils sont victimes d'un complot de la police.

« Ce verdict porte gravement atteinte à la légalité et à la liberté de la presse au Myanmar et trahit le combat de plusieurs décennies mené par le peuple birman pour la démocratie », a dénoncé Mme Freeland dans un communiqué écrit en septembre.

Le Royaume-Uni et les États-Unis ont également condamné le verdict, aux côtés de nombreuses organisations internationales de défense des droits de l'homme.

Mme Freeland a qualifié l'assassinat de M. Khashoggi d'« odieux et (d') attaque insensée contre la liberté d'expression et la liberté de la presse ». Le Canada a également imposé des sanctions à 17 Saoudiens liés au meurtre, gelant leurs avoirs et leur interdisant d'entrer dans le pays.

Elle a appelé à plusieurs reprises à une enquête internationale indépendante afin que les assassins de M. Khashoggi puissent être traduits en justice.

Mme Freeland et le premier ministre Justin Trudeau ont maintes fois défendu une presse libre, élément indispensable d'une démocratie florissante. Bien qu'ils n'aient pas critiqué directement M. Trump, leur défense infaillible des médias s'est produite au milieu d'attaques sans précédent du président américain contre la liberté de la presse.

M. Trump a appelé les médias « l'ennemi du peuple » et les a critiqués pour avoir transmis de « fausses informations » à leurs lecteurs. Il a également qualifié les journalistes de « fous déments ».

« Les faux médias dans notre pays sont le véritable parti de l'opposition, a déclaré M. Trump sur Twitter. C'est vraiment l'ennemi du peuple ! Nous devons ramener l'honnêteté au journalisme et aux reportages ! »

En décembre, le groupe de défense des droits Reporters sans frontières avait annoncé que les États-Unis étaient officiellement entrés dans le classement des cinq pays les plus mortels au monde où les journalistes travaillent.

Le 28 juin, quatre journalistes et un représentant commercial ont été tués par un homme armé qui a ouvert le feu dans les bureaux d'un journal du Maryland, le Capital Gazette, lors de l'attaque la plus meurtrière perpétrée contre les médias au cours de l'histoire récente des États-Unis.

En décembre, le rapport annuel du Comité pour la protection des journalistes indiquait que le nombre de journalistes tués dans le monde entier en représailles pour leur travail avait presque doublé en 2018.

Selon le rapport, 34 journalistes ont été tués en représailles pour leur travail et au moins 53 au total. En 2017, 18 journalistes avaient été tués en guise de représailles et 47 décès ont été recensés.