La toute petite Île-du-Prince-Édouard pourrait envoyer un message fort au reste du pays concernant la réforme électorale, lorsque ses électeurs participeront - possiblement dès ce printemps - à un référendum sur la représentation proportionnelle.

Les électeurs de la Colombie-Britannique ont refusé un tel changement en décembre, et bien que le premier ministre Justin Trudeau ait promis d'abolir le système électoral fédéral majoritaire à un tour lors des élections de 2015, il a par la suite abandonné le projet, prétendant que les Canadiens n'étaient pas impatients de changer.

Les partisans du changement espèrent maintenant que la plus petite province du Canada ouvrira la voie.

« Nous comptions vraiment sur la Colombie-Britannique. Cela a été très dévastateur pour notre cause », a déclaré Real Lavergne, le président de Fair Vote Canada, un groupe qui fait la promotion de la représentation proportionnelle.

« Nous pensions que ce référendum avait les meilleures chances de l'emporter. En fin de compte, les électeurs ont davantage voté de manière partisane », a-t-il déploré.

Des séances d'information ont maintenant lieu partout sur l'île, afin de sensibiliser le public aux avantages et aux inconvénients du passage du système uninominal majoritaire à un tour actuel à un système de scrutin proportionnel mixte.

Le résultat du vote sera contraignant.

Mais ce n'est pas la première fois que les électeurs de l'Île-du-Prince-Édouard sont invités à envisager une réforme électorale.

En fait, ils ont voté à 52 % en faveur du passage à une réforme proportionnelle mixte lors d'un plébiscite en 2016, mais le premier ministre libéral, Wade MacLauchlan, avait rejeté les résultats en raison d'un faible taux de participation d'environ 36 %.

« Je pense que le taux de participation sera beaucoup plus élevé cette fois-ci, car le référendum se tiendra en même temps que les prochaines élections générales provinciales. Nous avons généralement un taux de participation d'environ 80 % », a déclaré le commissaire au référendum, Gerard Mitchell.

« C'est un grand exercice de démocratie directe pour le peuple. Ils devraient donc voter et être informés de leurs choix », a-t-il déclaré.

En 2016, les électeurs avaient cinq choix, mais cette fois, ce sera simplement une chance de voter « oui » ou « non » à la question « L'Île-du-Prince-Édouard devrait-elle changer son système de vote en un système de vote proportionnel mixte ? »

Un vote « non » ne verrait aucun changement dans la façon dont les membres sont choisis pour les 27 sièges de la législature, alors qu'un vote « oui » verrait 18 membres choisis dans des circonscriptions redessinées et neuf autres élus lors de scrutins à l'échelle de la province.

M. Mitchell a expliqué qu'avec un tel système, les gens obtiendraient deux votes.

« Un pour le député de la circonscription et l'autre pour le candidat à la liste de parti. La liste de parti est utilisée pour compléter les sièges des partis qui n'ont pas obtenu suffisamment de sièges au niveau de la circonscription pour refléter leur part du vote populaire. »

Un tel système est utilisé par environ 90 pays, dont la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne et certaines régions d'Écosse.

M. Lavergne a expliqué qu'il est difficile de convaincre les Canadiens de faire le changement, car la plupart des politiciens se sentent en sécurité avec le statu quo.

« L'intérêt des politiciens est toujours pour le système uninominal majoritaire à un tour, car celui qui est au pouvoir est élu par le système uninominal majoritaire à un tour. Les députés y jettent un coup d'oeil et se disent qu'ils ne seraient peut-être pas réélus si on changeait le système », a-t-il dit.

Il s'attend néanmoins à ce que le nouveau gouvernement du Québec, la CAQ, qui a fait campagne en partie sur la question, adopte un système de représentation proportionnelle mixte d'ici environ un an.

Don Desserud, un politologue à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, a dit que de nombreux habitants de l'île n'ont prêté aucune attention au dernier plébiscite, jusqu'à ce que le gouvernement décide de ne pas en accepter les résultats.

« C'est une question de confiance envers le gouvernement, d'intégrité et d'inquiétude de savoir si les gouvernements sont sérieux lorsqu'ils font ces promesses d'organiser un vote et de respecter les résultats », a expliqué M. Desserud.

M. Lavergne a ajouté que le remplacement du système uninominal majoritaire à un tour donnerait aux partis tiers plus de chances de remporter des sièges et permettrait aux résultats de mieux refléter la façon dont les gens ont voté.

« En Ontario, vous avez un gouvernement majoritaire qui a été élu avec environ 41 % des voix. Les gens doivent se demander s'ils sont vraiment à l'aise avec cela », a-t-il déclaré.

Aucune date n'a été fixée pour le référendum de l'Île-du-Prince-Édouard, mais M. Mitchell croit que cela surviendra au printemps. M. Desserud croit que le vote pourrait être organisé dès le mois de mai.

« Les dernières élections ayant eu lieu le 4 mai 2015, il serait donc raisonnable de déclencher des élections après quatre ans. Elles ne ressembleront pas à des élections anticipées ou opportunistes. Je m'attends à ce qu'il y ait des élections en mai ou au début de juin », a-t-il dit.

Le gouvernement de l'île pourrait attendre jusqu'à l'automne, mais la plupart s'attendent à ce qu'il se lance de bonne heure pour éviter tout conflit avec les élections fédérales d'octobre.