Avec le concours de la France, le gouvernement Trudeau entend lancer une vaste offensive en 2019 pour donner à la langue française la place qui lui revient sur le web - un espace numérique qui est largement dominé à l'heure actuelle par deux langues, l'anglais et le mandarin.

À cette fin, Ottawa mettra sur la table 14,6 millions de dollars au cours des cinq prochaines années - et souhaite que d'autres pays de la francophonie ajoutent une contribution à la hauteur de leurs moyens - afin de créer une plateforme numérique francophone réunissant les diffuseurs publics membres de TV5 MONDE.

Pour la ministre du Tourisme, Mélanie Joly, qui est aussi responsable des Langues officielles et de la Francophonie, TV5 MONDE constitue un point d'ancrage incontournable pour mener à bien cette offensive étant donné qu'elle est déjà la première chaîne mondiale de langue française et qu'elle rejoint plus de 354 millions de ménages dans 198 pays francophones ou francophiles de la planète.

Mme Joly a d'ailleurs su convaincre le ministre des Finances, Bill Morneau, de l'importance d'investir dans ce projet dès la mise à jour économique, présentée en novembre. Ce projet avait auparavant aussi fait l'objet d'un consensus au Sommet de la Francophonie à Erevan, en Arménie, en octobre.

Inspiration britannique

Dans une entrevue à La Presse, la ministre Mélanie Joly a indiqué que ce projet s'inspire de ce que la BBC IPlayer a fait pour diffuser davantage de contenu britannique sur le web. Elle a soutenu que ce projet est essentiel pour que le français - et la culture francophone - rayonne comme il se doit sur le web.

«Cette plateforme numérique, c'est un peu ma marotte. Je crois que le gouvernement peut jouer un rôle positif sur l'internet pour protéger nos langues. Or, on sait que présentement, il y a deux langues qui sont dominantes sur l'internet, soit l'anglais et le mandarin. Ces deux langues créent une forme d'hégémonie», a affirmé la ministre. 

«L'enjeu, c'est qu'il faut s'assurer d'occuper un espace important, de peupler ce continent-là qui est l'internet et d'être en mesure d'avoir accès à du contenu dans notre langue.»

Mme Joly estime que la création prochaine de cette plateforme numérique francophone permettra aux artistes et aux créateurs d'ici de rayonner davantage à l'échelle internationale. Elle a fait valoir que le secteur privé n'est pas en mesure à l'heure actuelle de développer une telle plateforme numérique francophone. Des séries télévisées et de la musique produites ici pourraient être plus facilement mises en valeur grâce à cette plateforme numérique.

L'objectif, donc, est de réunir les principaux diffuseurs publics francophones sous un même parapluie pour créer cette fameuse plateforme, avec l'aide de partenaires tels que la France, la Suisse, la Belgique, entre autres pays.

«Ce que l'on veut faire, c'est un peu comme à l'époque où on a créé Radio-Canada, quand le secteur de la radiodiffusion s'est développé. On a développé des outils pour diffuser du contenu en créant d'abord une radio publique et plus tard une télévision publique. Mais on veut aller plus loin. On veut faire une grande plateforme numérique francophone qui va être en mesure de présenter du contenu francophone, québécois, canadien partout à travers le monde», a-t-elle ajouté.

Appui de la France

Au dernier Sommet de la Francophonie, le président français Emmanuel Macron a pris soin de saluer la proposition du gouvernement canadien visant à accroître la présence de la langue française sur le web.

«Se battre pour que notre langue soit plus forte aujourd'hui, c'est se battre pour que l'auteur soit plus fort, qu'il soit au coeur de ce combat. Et c'est se battre donc pour que, dans cet espace nouveau qu'est internet, la francophonie soit présente. Je veux rendre hommage à ce titre au combat et à la grande priorité de nos amis canadiens et québécois qui ont, sur ce sujet, beaucoup d'idées et ont mené beaucoup de combats sur internet. Bravo ! Et nous allons vous suivre, vous accompagner», a alors souligné le président français. 

«Je souhaite en particulier que l'on examine l'ambitieux projet de bâtir, à partir de TV5 MONDE, la plateforme numérique francophone. Nous devons nous battre pour défendre notre langue sur internet.»

En entrevue, la ministre Joly a indiqué qu'il y a «plusieurs discussions» en cours quant à l'endroit où pourraient être situés les quartiers de la nouvelle plateforme numérique, en n'excluant donc pas qu'ils aient pignon sur rue au Canada.

«Le but, c'est que, ultimement, ce soit un succès, que cette plateforme soit utilisée. C'est cela, ma priorité. Donc, on verra au niveau de la gouvernance», a-t-elle indiqué.