La ministre du Tourisme et des Langues officielles, Mélanie Joly, se défend d'avoir versé dans la partisanerie en attaquant à la fois les conservateurs d'Andrew Scheer à la Chambre des communes et le gouvernement de Doug Ford en Ontario pour les coupes dans les services en français dans cette province.

Si elle a décidé de mettre « les gants de boxe » dans ce dossier, c'est parce que le respect des droits linguistiques des minorités de langues officielles est un enjeu d'ordre national qui doit interpeller tous les acteurs de la scène politique fédérale, a affirmé la ministre.

Dans une entrevue accordée à La Presse, elle a aussi confié que certains députés conservateurs l'avaient même discrètement encouragée à maintenir la pression sur leur chef Andrew Scheer pour qu'il exerce à son tour des pressions sur le gouvernement de Doug Ford afin qu'il recule.

Des prises de position irritantes

Les multiples sorties de Mme Joly dénonçant les coupes du gouvernement Ford et invitant Andrew Scheer à condamner un allié politique sur la scène provinciale ont fait rager plusieurs conservateurs à Ottawa, et ces derniers ne se sont donc pas gênés pour l'accuser de se livrer à des jeux politiques sur une question aussi délicate que les droits linguistiques.

M. Scheer a riposté aux attaques de Mme Joly en disant : « Jamais je n'aurais fait de telles compressions. » Il a invité le gouvernement Trudeau à proposer des solutions concrètes pour assurer l'épanouissement des francophones en Ontario.

Protéger les droits linguistiques

Loin de faire amende honorable dans ce dossier, la ministre Joly estime qu'il est de son devoir, en tant ministre responsable des langues officielles, d'exercer de telles pressions pour protéger les droits linguistiques des Franco-Ontariens.

« C'est un argument très faible de dire que c'est de la partisanerie. Parce que la décision, elle, a été prise dans l'arène politique. C'est une décision politique. Donc, il y a deux façons de régler cette situation pour faire en sorte que Doug Ford fasse marche arrière : c'est la pression politique et les recours devant les tribunaux. Je suis dans l'arène politique et je vais continuer de faire des pressions », a dit la ministre.

« C'est une question de principe. Et en coulisses, il y a plusieurs conservateurs qui m'ont dit : ‟Continue." Toute cette affaire les a rendus mal à l'aise », a-t-elle ajouté.

Invoquant la précarité des finances publiques, le gouvernement Ford a provoqué une crise linguistique le mois dernier en mettant la hache dans le projet de création de l'Université de l'Ontario français, alors qu'il était sur le point d'aboutir, et en abolissant le Commissariat aux services en français, créé il y a huit ans.

Un « enjeu national » 

Après avoir encaissé une avalanche de critiques, le gouvernement Ford a en partie fait marche arrière une semaine plus tard. Il a annoncé le maintien du poste de commissaire aux services en français, mais sous la houlette de l'ombudsman de la province, et il a ouvert la porte au financement de l'Université de l'Ontario français, mais seulement quand les finances de la province le permettront. Les militants franco-ontariens ont jugé ces concessions insuffisantes.

« Le fait de dire que c'est de compétence provinciale et qu'on ne peut pas se mêler de ce dossier, cela démontre à quel point les conservateurs ne reconnaissent pas que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour préserver les communautés. Il y a eu des politiques au cours des 100 dernières années dans plusieurs provinces pour assimiler les francophones. Donc, quand on dit que c'est de compétence provinciale, c'est le meilleur argument pour baisser les bras. C'est pour cela que c'est inacceptable. Ce n'est pas de compétence provinciale. C'est un enjeu national », a affirmé Mme Joly.