La Procureure générale de l'Ontario et ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, ne voit pas le besoin de venir à Ottawa pour expliquer devant un comité de la Chambre des communes la décision du gouvernement de Doug Ford de sabrer dans les services en français.

Mme Mulroney a ainsi rapidement servi une rebuffade mardi matin aux membres du comité permanent des langues officielles, qui a adopté à l'unanimité une résolution l'invitant à venir témoigner le plus rapidement possible.

En point de presse à Toronto, Mme Mulroney a clairement fait savoir que le gouvernement Ford n'a guère l'intention de revenir sur sa décision de mettre la hache dans le projet de création de l'Université de l'Ontario français, alors qu'il était sur le point d'aboutir, et d'abolir le Commissariat aux services en français.

Debout aux côtés du premier ministre Doug Ford, Mme Mulroney a dit que les raisons qui ont poussé son gouvernement à agir ainsi sont connues. Elle a ajouté qu'elle n'est prête à en discuter que dans sa province. « Je vais rester ici à Queen's Park », a-t-elle affirmé.

Lundi, Mme Mulroney a défendu cette décision controversée qui suscite l'indignation chez les francophones et au Québec en affirmant que « nous n'avons pas l'argent » pour financer ces services en français en Ontario en raison du déficit de 14,5 milliards prévu durant l'exercice financier en cours.

La ministre du Tourisme, Mélanie Joly, qui est aussi responsable du dossier des langues officielles au sein du gouvernement Trudeau, a également réclamé une rencontre avec Mme Mulroney pour discuter de cet enjeu, mais sans succès jusqu'ici.

Le brasier linguistique qu'a déclenché le gouvernement de Doug Ford s'est répandu jusqu'à la Chambre des communes lundi : les libéraux de Justin Trudeau et les conservateurs d'Andrew Scheer se sont crêpés le chignon toute la journée sur le rôle qu'Ottawa doit jouer pour protéger les droits des minorités, empêchant du coup l'adoption d'une motion de soutien aux Franco-Ontariens qui se mobilisent pour défendre leurs institutions.

À l'issue d'une période de questions houleuse, les libéraux ont proposé lundi d'adopter une motion qui dénonce « sans équivoque » la décision du gouvernement Ford de la semaine dernière de mettre la hache dans le projet de création de l'Université de l'Ontario français, alors qu'il était sur le point d'aboutir, et d'abolir le Commissariat aux services en français créé il y a huit ans.

Soucieux de ménager la chèvre et le chou, les conservateurs ont refusé d'accorder leur appui à une telle motion parce qu'elle avait pour effet de critiquer la décision d'un gouvernement provincial et d'écorcher un allié conservateur à onze mois des prochaines élections fédérales.

Le député conservateur Alain Rayes, qui est le lieutenant d'Andrew Scheer au Québec, s'est immédiatement levé par la suite afin de proposer une autre motion dans l'espoir de rallier tous les députés, mais en vain.

La motion conservatrice visait à faire en sorte « que la Chambre exprime son soutien aux Franco-Ontariens et aux autres communautés de langues officielles en situation minoritaire partout au Canada » et qu'elle réitère son « soutien au bilinguisme officiel du Canada comme étant une force et un atout devant être chéri et protégé ». Mais du même souffle, les conservateurs désiraient aussi que la Chambre « reconnaisse et respecte les droits et les responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux de légiférer dans leurs domaines de compétence. »

La motion conservatrice demandait également au gouvernement Trudeau de présenter dans un délai de 30 jours « un plan précisant les mesures que son gouvernement va prendre, dans ses domaines de compétences, pour assurer les services aux francophones en position de minorité ».

Les libéraux ont refusé à leur tour de donner leur consentement. Résultat : les élus de la Chambre des communes n'ont pu s'entendre sur le message qu'ils souhaitent envoyer au gouvernement Ford, alors qu'il vient de relancer le débat sur les droits des minorités linguistiques au pays.