La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, juge « inacceptable » qu'un mineur de 16 ans ait pu commander des produits de la Société québécoise du cannabis (SQDC) et récupéré la marchandise au comptoir postal de son quartier sans le moindre problème.

Mme Petitpas Taylor, qui a piloté le dossier de la légalisation du cannabis à des fins récréatives pour le gouvernement Trudeau, a indiqué que Postes Canada sera rappelé à l'ordre pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise à l'avenir.

La Presse révélait ce matin avoir pu constater, avec l'aide de Julien, un cobaye de 16 ans, que les règles édictées par la SQDC pour éviter que les mineurs aient accès au cannabis sont très faciles à contourner. Le jeune Julien a en effet commandé des produits de la SQDC sur le web et les a facilement récupérés au comptoir postal de son quartier.

« La vente de cannabis à des mineurs est inacceptable. Je suis très contente que la province de Québec ait déjà fait un suivi auprès de Postes Canada. Encore une fois, c'est inacceptable », a dit la ministre à La Presse à l'issue d'une réunion du cabinet.

« Nous ne voulons pas que cela se reproduise au Québec ou ailleurs. C'est toujours une possibilité. Je suis convaincue que les provinces et les territoires prennent cette question très au sérieux. Nous sommes allés de l'avant avec la légalisation justement pour s'assurer que les jeunes n'aient pas accès au cannabis. Quand j'apprends que des incidents de ce genre arrivent, je ne suis pas contente », a-t-elle aussi affirmé.

La ministre a indiqué que son bureau a soulevé dès mardi matin ce dossier avec le bureau de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Carla Qualtrough, qui est aussi responsable de la société d'État Postes Canada.

Les faits

Dès le jour de la légalisation du cannabis, le 17 octobre, Julien - La Presse lui a donné un pseudonyme afin de protéger son identité - s'est rendu pour le quotidien sur le site de la SQDC afin de faire sa commande. Deux joints préroulés de marque Aurora, qui sont, à 10,90 $, l'un des produits les moins chers de la SQDC. Il a bien sûr menti sur son âge, devançant sa date de naissance dès son entrée sur le site. Plutôt que 2002, il a inscrit 1999.

Pour commander, il faut bien sûr avoir accès à une carte de crédit, ce que n'ont pas la plupart des mineurs. Cependant, nous avons tablé sur le fait qu'il aurait pu « emprunter » la carte de ses parents, ou encore d'un frère ou d'une soeur aînés. Julien a donc fait sa commande le 17 octobre, avec un délai de livraison de deux à cinq jours ouvrables.        

Le mardi suivant, la commande est arrivée. Le facteur a réclamé la présence de Julien. Lorsqu'on lui a répondu qu'il n'était pas sur place, le facteur a erronément indiqué qu'il lui était impossible de livrer le colis, puisque le client devait obligatoirement être présent et montrer une carte d'identité établissant son âge. Le carton d'absence a donc été laissé au domicile de Julien.

Quelques jours plus tard, l'adolescent s'est présenté au comptoir de Postes Canada de son quartier, dans le nord de Montréal. Lorsqu'il a donné le carton d'absence laissé par le facteur, on lui a demandé une pièce d'identité. Il a présenté sa carte d'assurance maladie, où la date de naissance était évidemment visible. La commis lui a tout de même remis son paquet, en lui faisant signer dans un espace où la mention « 18+ » était pourtant bien en évidence.

Julien a donc pu repartir, sans plus de questions, avec ses deux joints préroulés. « J'ai été vraiment surpris qu'elle me donne mon colis après avoir vu ma carte d'assurance maladie », a-t-il dit au sortir du comptoir postal. Précisons que nous n'avons évidemment pas laissé le cannabis entre les mains du jeune homme : le produit a été remis à La Presse.

« C'est une situation inacceptable », a déclaré d'emblée Mathieu Gaudreault, porte-parole de la SQDC, interrogé par La Presse sur cette situation. « La question de l'éthique de vente est au coeur de notre mandat. Tous nos mandataires ont reçu des consignes très claires au sujet de la validation de l'âge. Nous avons des attentes très élevées envers nos mandataires. Ils ont été mis au courant de l'importance de cet enjeu et on va le leur rappeler. »

L'appel d'offres de la SQDC, remporté par Postes Canada, précise clairement que l'adjudicataire doit effectuer « la validation en tout temps de la preuve d'âge avant de remettre le colis au client ou à la personne majeure mandatée à la récupération du colis au nom du client ». On précise que les pièces admises sont le permis de conduire, le passeport ou la carte d'assurance maladie.

« L'adjudicataire doit s'assurer de respecter cette exigence névralgique et nous entendons effectuer des audits nécessaires en ce sens », explique M. Gaudreault.