L'année 2017 a été riche en rebondissements de toutes sortes sur la scène fédérale, et celle qui vient de s'amorcer promet d'être aussi peu reposante, alors que le gouvernement de Justin Trudeau doit s'attaquer à des dossiers d'une importance capitale. Voici un aperçu des enjeux à surveiller pour 2018.

Les controverses du gouvernement Trudeau

L'année 2017 aura probablement été la plus difficile pour le gouvernement Trudeau, qui s'est emmaillé dans plusieurs controverses politiques et éthiques dont l'opposition risque de se souvenir en cette nouvelle année. Avant les Fêtes, le premier ministre est devenu le premier dirigeant du pays à se faire reprocher d'avoir violé la Loi sur les conflits d'intérêts relativement au voyage qu'il avait fait l'an dernier sur l'île privée de l'Aga Khan. D'ailleurs, le gouvernement n'en a pas fini avec le commissariat à l'éthique : le ministre Bill Morneau fait actuellement l'objet d'une enquête concernant un projet de loi sur les fonds de pension qui, selon les partis d'opposition, aurait favorisé son entreprise familiale, Morneau Shepell. D'après le politologue Réjean Pelletier, les libéraux devront accélérer le pas pour remplir leurs promesses, car leur bilan est bien mince pour l'instant. « Le gouvernement n'a pas fait grand-chose, il n'y a pas beaucoup de résultats concrets », a-t-il soutenu, citant la réforme du mode de scrutin et celle des impôts, qui piétine en ce moment.

Des ministres vulnérables

Certains membres du cabinet Trudeau ont passé une année plus difficile que d'autres. C'est le cas, s'entendent pour dire la plupart des observateurs, des ministres Bill Morneau (attaqué sur son éthique), Mélanie Joly (blâmée pour l'entente Netflix), Kent Hehr (critiqué pour des commentaires douteux) et Diane Lebouthillier (malmenée pour sa gestion des dossiers fiscaux). Sont-ils en danger ? Selon le politologue Thierry Giasson, le gouvernement, qui a procédé à deux importants remaniements en 2017, ne serait pas tenté de répéter l'exercice de sitôt. Et il croit que, pour des raisons stratégiques, le grand argentier du pays peut dormir en paix. « Si le premier ministre dégomme son numéro deux à mi-parcours, ça envoie une mauvaise impression dans la population, de son jugement à lui. Et depuis qu'il est arrivé à la tête de son parti, il se bat contre cette image-là », a signalé le professeur de l'Université Laval. Dans le cas de Kent Hehr, les libéraux « sont en train de regarder quels sont les appuis, et si on veut maintenir les gains en Alberta, peut-être que M. Hehr va sauter ou, au contraire, si on se rend compte que M. Hehr est très populaire dans sa circonscription et que ça va bien, on va peut-être le laisser là et peut-être juste l'amener à faire un acte de contrition, à s'expliquer, à s'excuser ». Une source gouvernementale a indiqué à La Presse canadienne peu avant le congé des Fêtes qu'un remaniement n'était pas dans les cartons d'ici les prochains mois, et que l'on ne ressentait par ailleurs pas le besoin d'« appuyer sur le bouton "reset" ».

Les partis d'opposition se démarqueront-ils ?

Le Parti conservateur d'Andrew Scheer semble gruger des votes aux libéraux dans les derniers sondages, surtout en Ontario. Reste à savoir s'il pourra maintenir ces appuis en 2018. Au Nouveau Parti démocratique (NPD), on n'a pas semblé profiter du nouvel élan qu'aurait pu apporter l'arrivée d'un nouveau chef. Sous la houlette de Jagmeet Singh, élu en octobre dernier, le parti de gauche semble éprouver beaucoup de difficulté. Cela s'explique notamment par le fait que M. Singh ne siège pas à la Chambre des communes, selon Réjean Pelletier. « Il n'est même pas député, de sorte qu'on ne parle pas de lui souvent et quand on en parle, c'est plutôt pour des anecdotes et non pas pour le fond de la politique lui-même », a-t-il expliqué. « C'est comme si le parti existait plus ou moins. »

Son collègue Thierry Giasson abonde dans le même sens concernant le leader néo-démocrate, qui n'a jamais signifié qu'il avait l'intention de briguer un siège aux Communes. « La période de questions, dans la médiatisation de la vie politique, c'est un moment important. Qu'un chef ne puisse pas se lever, poser des questions, c'est un manque dans sa capacité à communiquer son message. C'est un élément qui ne lui permet pas d'aller chercher une visibilité nationale un peu plus poussée », a-t-il soutenu.

Ce « décalage de visibilité » existe aussi pour la chef bloquiste Martine Ouellet qui, parce qu'« elle a un autre travail », celui de députée à l'Assemblée nationale, « n'est pas en train de sillonner le Québec dans une tournée pour rencontrer les Québécois », a fait remarquer le professeur spécialisé en communication politique.

La légalisation du cannabis

Les libéraux martèlent depuis plusieurs mois que la légalisation du cannabis, prévue pour juillet prochain, ne sera pas repoussée, malgré les doléances des provinces et de certains intervenants du milieu, qui souhaitent avoir plus de temps pour s'adapter. Mais les libéraux pourraient retrouver un obstacle sur leur chemin : le Sénat. Les sénateurs ont déjà annoncé qu'ils avaient l'intention de présenter des amendements au projet de loi. De son côté, le chef conservateur Andrew Scheer a averti que le caucus conservateur à la chambre haute allait tout mettre en oeuvre pour « bloquer » la légalisation - ce qui a toutefois été par la suite nié par l'influent sénateur conservateur Claude Carignan. Selon le politologue Réjean Pelletier, cela pourrait considérablement retarder les plans des libéraux. « Le Sénat peut proposer des amendements auquel cas, ça retournerait devant la Chambre des communes, qui les accepte ou qui les refuse, alors ça retourne au Sénat... Ça peut durer longtemps ce jeu-là », a-t-il expliqué. En entrevue au réseau TVA récemment, le premier ministre a laissé entendre qu'il pourrait se montrer plus flexible pour la date, affirmant que « c'est quelque chose (qu'ils allaient) faire l'été prochain ».

Blitz de négociations de l'ALÉNA

Les négociateurs du Canada, des États-Unis et du Mexique se réuniront une nouvelle fois fin janvier à Montréal pour tenter de sortir la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) de l'impasse. L'année dernière, selon les informations qui ont filtré dans les médias, les discussions avaient avancé à pas de tortue, surtout sur les sujets les plus litigieux, dont le secteur automobile, l'agriculture ou encore le processus de règlement des différends. En cette nouvelle année, on peut s'attendre à ce que les négociations passent à la vitesse supérieure, notamment en raison des élections de mi-mandat aux États-Unis et de l'élection présidentielle au Mexique, qui se tiendront en 2018. D'après Réjean Pelletier, il se peut que le Canada doive faire des compromis pour au moins en arriver à une entente et ne pas tout perdre. « Ça pourrait arriver qu'il y ait beaucoup de concessions et que le Canada dise : "On n'a pas tout perdu malgré tout" et se satisfasse de ça ».

Justice pénale : réforme attendue

La réforme du système de justice pénale, en particulier des peines minimales obligatoires, est l'une des pierres angulaires du mandat qu'a confié Justin Trudeau à sa ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould. Et la ministre tarde à livrer la marchandise : en décembre 2016, elle disait espérer être en mesure de déposer un plan au printemps 2017. Cela ne s'est pas matérialisé, et vers la mi-décembre cette année, lorsque La Presse canadienne s'est enquise de la progression du dossier auprès du bureau de la ministre Wilson-Raybould, on a répondu qu'un projet de loi serait présenté en Chambre « au cours des prochains mois », un projet de loi « permettant de réduire les délais judiciaires et la surreprésentation, et d'assurer à toutes nos lois la capacité de promouvoir la sécurité publique et de respecter nos droits protégés par la Constitution ». Il existe au total 72 peines minimales obligatoires, dont 39 ont été « modifiées ou promulguées depuis 2006 (l'année de l'élection de Stephen Harper) », selon le ministère de la Justice. Plusieurs d'entre elles ont été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême du Canada.

Le G7 dans Charlevoix

C'est au tour du Canada d'assurer la présidence tournante du G7 en 2018, fonction qu'il assume depuis le 1er janvier et qui culminera avec le sommet des dirigeants du Groupe des sept, les 8 et 9 juin, dans la région de Charlevoix, au Québec. Le premier ministre Justin Trudeau a signalé que cinq grands thèmes orienteraient les discussions durant la présidence canadienne : la croissance économique, les emplois du futur, l'égalité des sexes, les changements climatiques et l'environnement, ainsi que la paix et la sécurité. Le choix de tenir la rencontre internationale à La Malbaie est « beaucoup plus logique, beaucoup plus intelligent » que celui de le faire à Toronto, ville hôte du sommet du G20 en 2010, selon ce qu'a déclaré en mai dernier l'expert en sécurité nationale Michel Juneau-Katsuya.