Témoins de la grogne des contribuables touchés par la réforme fiscale dans leur propre circonscription, des députés libéraux ont discrètement encouragé les troupes conservatrices d'Andrew Scheer à intensifier leur bataille à la Chambre des communes afin de faire reculer le ministre des Finances Bill Morneau.

Depuis la reprise des travaux parlementaires, la semaine dernière, le Parti conservateur mène la charge aux Communes contre cette réforme controversée qui vise notamment à limiter l'utilisation de sociétés privées par des entrepreneurs et certains professionnels, comme des médecins ou des dentistes, afin de les empêcher de fractionner leurs revenus entre les membres de leur famille, même si ceux-ci ne travaillent pas pour eux, pour économiser de l'impôt.

En coulisse, des députés libéraux inquiets des possibles retombées économiques et politiques de cette réforme ont incité les députés conservateurs à continuer leur pilonnage aux Communes afin de forcer le ministre Morneau à accepter des changements qui tiennent compte des griefs des fermiers, des agriculteurs et des propriétaires de petites et moyennes entreprises, entre autres, selon des informations obtenues par La Presse.

Cette source n'a pas voulu nommer les députés libéraux qui les invitent à poursuivre la bataille aux Communes. Mais certains députés ont publiquement dénoncé cette réforme, dont le député libéral de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, Wayne Long, qui a promis de voter contre ces mesures, de même que le député libéral d'Halifax, Andy Fillmore.

D'autres députés comme MaryAnn Mihychuk du Manitoba et Stephen Fuhr de la Colombie-Britannique ont affirmé que la réforme telle qu'elle est rédigée était inacceptable pour les petites et moyennes entreprises, tandis que le député libéral de l'Île-du-Prince-Édouard, Wayne Easter, qui est aussi président du puissant comité des finances de la Chambre des communes, a vertement critiqué le ministère des Finances pour sa manière d'expliquer cette réforme.

Des premiers ministres provinciaux - Brian Pallister du Manitoba, Stephen McNeil de la Nouvelle-Écosse, Dwight Ball de Terre-Neuve-et-Labrador -, ainsi que la ministre des Finances de la Colombie-Britannique, Carole James, ont aussi dénoncé les mesures du ministre Morneau au cours des derniers jours.

«Une question de survie»

Des députés libéraux ont aussi invité les regroupements de gens d'affaires comme les chambres de commerce à continuer leur croisade contre la réforme, a également appris La Presse. « Les députés libéraux que nous avons rencontrés nous disent carrément qu'ils ne peuvent pas défendre cette réforme », a indiqué une source proche du monde des affaires.

« Nous ne parlons même plus de dollars et de cents. C'est devenu une question de survie pour des dizaines de milliers de PME et de fermes familiales partout au pays, » a d'ailleurs déclaré le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty.

En principe, les consultations sur cette réforme, qui ont débuté le 18 juillet, doivent prendre fin le 2 octobre, soit lundi prochain. Le NPD réclame que la période de consultations soit prolongée jusqu'au 16 décembre et presse le ministre Morneau d'étendre sa réforme pour contrer l'évitement fiscal en s'attaquant aux paradis fiscaux et aux échappatoires fiscales qui profitent aux grandes entreprises.

Le Parti conservateur maintient la pression

Aux Communes, hier, le Parti conservateur a poursuivi son offensive contre la réforme. « Pendant que plusieurs entreprises sont inquiètes à cause des négociations de l'ALENA, ce gouvernement libéral, ici même au Canada, s'attaque à nos petites entreprises locales, nos agriculteurs, nos électriciens, nos entrepreneurs et nos restaurateurs en les taxant toujours plus, ce qui a comme seul résultat des pertes d'emplois partout au Canada », a affirmé le député conservateur Alain Rayes.

« Nous savons que notre système des impôts, maintenant, encourage les plus riches à avoir une société privée pour réduire leur niveau de taxes. Ce n'est pas un bon système, a répondu le ministre Morneau. Nous cherchons une façon d'améliorer notre système des impôts. Nous allons trouver une façon d'avoir un système où il y a des mesures incitatives pour que les gens puissent investir dans leurs affaires. C'est très important. Nous devons avoir un système des impôts qui soit juste. »