Les épineux dossiers des Canadiens refoulés aux postes frontaliers et des migrants qui traversent illégalement la frontière canado-américaine seront à l'ordre du jour lors de la visite à Ottawa du secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, John Kelly.

Le représentant de l'administration Trump sera de passage dans la capitale nationale vendredi, d'après un communiqué de presse en provenance de la Maison-Blanche qui a été relayé mercredi par le bureau du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

En plus de s'entretenir avec son homologue canadien, John Kelly rencontrera une série de ministres du gouvernement canadien dans le cadre de son passage, dont Ahmed Hussen, à l'Immigration, et Chrystia Freeland, aux Affaires étrangères.

Parmi les dossiers qui seront discutés figurent l'immigration, les réfugiés, la collaboration en matière d'application de la loi, les politiques en matière de visa et la circulation des biens et des citoyens à la frontière, est-il énuméré dans le communiqué publié par Washington.

La visite de John Kelly survient alors que des Canadiens se sont vu refuser l'entrée en sol américain au cours des dernières semaines pour des motifs discriminatoires fondés sur la religion ou l'ethnicité, d'après les témoignages de certains qui ont été refoulés.

La dernière en lice est une Montréalaise née au Canada de parents indiens, Manpreet Kooner, qui tentait de franchir la frontière entre le Québec et l'État du Vermont. Après une attente de six heures, on l'a sommée de rebrousser chemin en lui disant qu'elle avait besoin d'un visa.

Or, les citoyens canadiens n'ont pas besoin d'un tel document pour se rendre chez leurs voisins du sud. Mais dans ce dossier comme dans plusieurs autres, les ministres du gouvernement de Justin Trudeau n'osent pas trop lever le ton ou jeter la pierre aux Américains.

Le ministre Goodale a assuré qu'il avait déjà discuté des cas de Canadiens à qui l'entrée en sol américain a été refusée et qu'il s'agissait «d'un sujet que nous continuerons à étudier lorsque nous aurons l'occasion d'en discuter lorsque nous serons assis à la même table».

«Le traitement à la frontière est important. Les Canadiens sont en droit de s'attendre à ce qu'ils soient traités de façon juste et respectueuse», a-t-il plaidé mercredi, soulignant néanmoins que chaque pays est souverain en ce qui a trait au contrôle de sa propre frontière.

En marge d'une annonce, le député néo-démocrate Alexandre Boulerice a dit espérer que le ministre Goodale saura défendre vigoureusement auprès de son vis-à-vis américain les intérêts des Canadiens.

Selon lui, tout ce que les libéraux ont offert comme réaction jusqu'à présent est un «silence assourdissant et complètement insensé» face à cette situation qui se produit «à répétition» à la frontière.

Migrants

L'autre enjeu qui s'imposera aussi dans les discussions canado-américaines est celui des passages illégaux à la frontière entre les deux pays, un phénomène en croissance, comme l'a reconnu la Gendarmerie royale du Canada (GRC), dont les agents appréhendent les migrants.

En début de semaine, la police fédérale a indiqué dans un courriel n'être pas «en mesure de fournir des chiffres exacts», mais «qu'il y a eu une augmentation de la migration illégale au Québec, au Manitoba et en Colombie-Britannique».

La plus importante hausse a été enregistrée au Québec, a noté la GRC.

Il est cependant difficile pour les médias - que les autorités policières et frontalières exhortent à faire preuve de prudence dans leur façon de rapporter les chiffres - de quantifier le phénomène.

Car la police fédérale, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le gouvernement refusent net de fournir des données sur le nombre d'entrées irrégulières entre les postes frontaliers qui ont été enregistrées au cours des dernières années.

On sait, selon des informations fournies jeudi dernier lors d'une séance d'information, qu'entre le 1er janvier 2017 et le 21 février 2017, 435 personnes  - 290 au Québec, 94 au Manitoba et 51 en Colombie-Britannique - sont entrées illégalement au pays et ont été interceptées par la GRC.

Mais on ignore comment cette situation se compare aux années précédentes. Depuis des jours, la GRC, l'ASFC et le bureau du ministre Goodale se renvoient la balle, plaidant auprès des médias, dont La Presse canadienne, que ces données ne sont pas vraiment pertinentes.

Pendant ce temps, le gouvernement canadien continue à tenter de se montrer rassurant, martelant que la situation est sous contrôle et que les agents frontaliers et les forces de l'ordre n'ont pas besoin de davantage de ressources.

Les ministres évitent aussi généralement d'établir un lien de cause à effet entre la situation actuelle et l'arrivée au pouvoir de Donald Trump ou la signature de ces décrets sur l'interdiction d'entrée aux États-Unis des ressortissants de pays à majorité musulmane.

Selon Ralph Goodale, le fait que la première visite au Canada d'un membre de l'administration Trump soit celle du secrétaire à la Sécurité intérieure témoigne de l'importance des enjeux qui se jouent actuellement et du travail qui doit être accompli conjointement afin de s'y attaquer.

«La première chose que nous devons faire est de nous assurer que nous avons une compréhension mutuelle d'un côté comme de l'autre de la frontière sur qui sont ces gens, comment ils s'y prennent pour traverser et pour quelle raison ils le font», a-t-il dit mercredi.

La veille, M. Goodale avait signalé qu'il étudiait plusieurs scénarios, notamment la possibilité que les migrants puissent être encore plus nombreux à tenter de franchir la frontière avec l'arrivée du printemps.