À quelques mois du dépôt de son projet de loi légalisant le cannabis, Justin Trudeau veut connaître le prix d'un gramme de pot dans la rue. Son gouvernement a accordé au criminologue Martin Bouchard, de l'Université Simon Fraser, un contrat de 74 000 $ pour l'éclairer sur le prix et, surtout, l'élasticité du prix du cannabis. Des conclusions qui l'aideront à taxer le cannabis de façon optimale.

10 $ le gramme... depuis longtemps

En moyenne au Canada, le prix du pot oscille autour de 10 $ le gramme, prix qui n'a pratiquement pas été frappé par l'inflation ces dernières années. « Il y a un aspect culturel, quelque chose d'attirant dans ce prix. Ça fait partie de la culture du cannabis », estime M. Bouchard. Mais il y a aussi eu une augmentation importante de la production de marijuana illégale, ces dernières années, alors que le bassin de consommateurs est resté assez stable. « Ça a beaucoup contribué à maintenir les prix », croit le chercheur. Pour connaître le prix du cannabis sur le marché illicite, le professeur Bouchard s'est notamment servi du site PriceOfWeed.com, qui recense les prix payés un peu partout dans le monde, et les a corroborés à l'aide d'autres sources d'information.

Le Québec est la province la moins chère

Le prix du cannabis « varie considérablement à travers le pays », indique un rapport publié début novembre par le Directeur parlementaire du budget. En tenant compte des « rabais considérables découlant de l'achat en grande quantité », le prix réel moyen payé par les consommateurs au pays est de 8,32 $ par gramme. Le rapport révèle qu'au Québec, le prix moyen du gramme est de 7,31 $, ce qui en fait la province où le cannabis coûte le moins cher.

Élasticité

L'un des principaux buts de l'étude confiée à Martin Bouchard est de déterminer l'élasticité du prix du cannabis. Le gouvernement veut ainsi mieux évaluer le niveau de taxation optimal afin de ne pas perdre trop de consommateurs au profit du marché noir. « Ce qu'on voit dans notre recension, c'est que si on augmente le prix du cannabis de 1 %, le nombre de consommateurs va baisser de 0,5 %, explique M. Bouchard. C'est un impact relativement petit », croit-il. En comparaison, le ratio d'élasticité de la cocaïne est de pratiquement 1 pour 1 (chaque point de pourcentage d'augmentation du prix fait diminuer d'un point de pourcentage le nombre de consommateurs). « On pense souvent que c'est une drogue à laquelle les gens sont très accros, mais il existe aussi beaucoup de drogues de remplacement. »

Peu de marge fiscale

L'économiste Benjamin Hensen, de l'Université de l'Oregon, croit toutefois que l'élasticité du prix de la marijuana est plus forte que ne le laissent croire les travaux scientifiques. « C'est un marché où il y a des substituts qu'on peut se procurer très facilement. Dans l'État de Washington (où la marijuana à des fins récréatives a été légalisée en 2014), quand le gouvernement a augmenté les taxes, on a vu que les consommateurs se procuraient des permis de consommation de marijuana à des fins médicales parce que celle-ci n'est pas taxée. Et il y a aussi le marché noir, où les prix sont très concurrentiels », explique-t-il. Dans cet État, les acheteurs ont en fait tellement de choix qu'une récente augmentation de 12 % de la taxe imposée par le gouvernement sur les produits du cannabis s'est traduite par une augmentation des coûts de 3 % à la caisse. « C'est donc dire que ce sont les producteurs et les détaillants qui ont absorbé cette hausse parce qu'ils n'arrivaient pas à la refiler aux acheteurs », dit M. Hensen.

Le rapport du Directeur du budget le reconnaît d'ailleurs : « Le gouvernement a très peu de marge fiscale pour appliquer des taxes », lit-on. Selon le document, le prix projeté du gramme de cannabis légal après l'imposition des taxes de vente (TPS et TVQ) risque d'osciller autour de 8,41 $ en 2018, alors que celui du marché illégal, actuellement à 8,32 $ le gramme, « va probablement subir des pressions à la baisse lorsque la légalisation sera complétée ».

- Avec William Leclerc, La Presse