Toutes les pratiques sexuelles consensuelles seront désormais traitées sur un pied d'égalité avec l'abrogation d'un article «discriminatoire» du Code criminel qui interdisait partiellement les relations sexuelles anales.

«Notre société a évolué au cours des dernières décennies, et notre système de justice pénale doit évoluer lui aussi», a plaidé mardi la ministre de la Justice du Canada, Jody Wilson-Raybould.

«Cette mesure législative aidera à faire en sorte que le système soit en phase avec les changements sociétaux», a-t-elle enchaîné tout juste après avoir déposé en Chambre le projet de loi C-32, qui éliminerait l'article 159 du Code criminel canadien.

En vertu de cet article, la sodomie est un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de dix ans ou d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire s'il est pratiqué à plusieurs ou par des adolescents âgés de 16 et 17 ans.

Le projet de loi déposé en première lecture, mardi, vise à abroger l'article 159, qui «criminalise injustement des activités consensuelles dans certaines circonstances», a souligné Mme Wilson-Raybould.

Les dispositions de la mesure législative ne prévoient pas de pardon pour les personnes qui ont été reconnues coupables d'avoir enfreint cet article du Code criminel dans le passé, selon ce qu'a indiqué la ministre.

Mais plusieurs tribunaux à travers le pays ont déjà reconnu qu'il était «inconstitutionnel», a-t-elle fait remarquer. La Cour d'appel du Québec fait partie de ce lot, en étant arrivée à cette conclusion dans une décision rendue en 1998.

Le projet de loi déposé mardi a obtenu une réception positive auprès des chefs des trois principaux partis d'opposition.

La leader intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, l'appuie «personnellement». Le projet de loi fera l'objet d'un vote libre en Chambre, comme c'est le cas pour tous les enjeux d'ordre moral, a indiqué un porte-parole de la formation politique.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair s'est dit «tout à fait d'accord» avec ce changement législatif, tout comme le leader par intérim du Bloc québécois, Rhéal Fortin. «C'est un vote libre, mais je vous annonce qu'on va tous être d'accord avec ce projet de loi là», a dit le bloquiste.

Les représentants de la communauté LGBTQ2 qui assistaient à l'annonce dans le foyer des Communes, mardi matin, ont eux aussi accueilli favorablement le dépôt du projet de loi C-32, considérant qu'il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction.

«C'est un moment historique. L'article anti-sodomie a été à la base de toute la discrimination que le gouvernement nous a fait subir», s'est réjoui Douglas Elliott, un avocat qui milite depuis des années pour les droits des homosexuels.

«Évidemment, il a été déclaré inconstitutionnel au cours des dernières années, mais partout au pays, des policiers qui ignorent ce fait continuent à l'utiliser (pour procéder à des arrestations). Nous réclamions cette abrogation depuis des décennies», a-t-il exposé.

Si le dépôt du projet de loi C-32 représente une avancée, il reste malgré tout «beaucoup de travail à faire», a reconnu le député Randy Boissonnault, fraîchement nommé conseiller spécial sur les enjeux de la communauté LGBTQ2 par le premier ministre Justin Trudeau, mardi.

L'élu albertain a dit avoir l'intention de «rectifier les injustices commises dans le passé». Il se penchera notamment sur le dossier des fonctionnaires fédéraux et membres des Forces armées canadiennes (FAC) congédiés en raison de leur orientation sexuelle.

«On regardera la question du pardon, des excuses et aussi cette question de compensation. Et ça, c'est pourquoi ça va prendre du temps pour faire ce travail de la bonne manière», a fait valoir le député ouvertement homosexuel.

Le gouvernement fédéral fait l'objet d'une poursuite dans ce dossier. La représentante de l'action collective au Québec, Martine Roy, espère ne pas avoir à aller jusqu'au bout des démarches judiciaires.

«S'ils sont capables de remplir les demandes qu'on a sans qu'on ait à poursuivre, c'est merveilleux, on va faire une entente hors cour», a dit celle qui a été remerciée par l'armée en 1985 en vertu d'un règlement des FAC sur la «déviance sexuelle».

«Moi, c'est sûr, les excuses, c'est ce qui me tient beaucoup à coeur. Ça fait 30 ans que j'attends ça, j'ai bien hâte au jour où je pourrai mettre ça de côté», a laissé tomber Mme Roy.