En un an, Justin Trudeau a réussi à modifier l'image du Canada à l'étranger de manière considérable. Révolue, l'époque où le Canada se faisait traiter de cancre en matière de lutte contre les changements climatiques, critiquait ouvertement les Nations unies ou n'avait d'yeux que pour Israël. La diplomatie canadienne a changé aussi, et les leaders étrangers en ont pris bonne note.

UN IMPACT, SELON LES QUÉBÉCOIS

La plus grande réussite du gouvernement, un an après son élection, aura été d'améliorer l'image du Canada à l'étranger. C'est du moins ce que révèle un sondage en ligne mené par la firme CROP pour le compte de La Presse auprès de 1000 Québécois du 15 au 19 septembre. Selon ce sondage, 41 % des répondants estiment que l'image du Canada s'est nettement améliorée depuis la victoire des libéraux, tandis que 22 % estiment que le plus grand changement est perceptible dans les relations bilatérales entre le Canada et les États-Unis. Arrivent ensuite, dans l'ordre, la transparence gouvernementale (16 %), les relations avec les provinces (15 %), l'efficacité gouvernementale (14 %), l'environnement (13 %), la sécurité (12 %), l'économie (10 %) et les infrastructures (9%).

« LA LUNE DE MIEL SE POURSUIT »

Pour le président de CROP, Alain Giguère, ces résultats ne sont pas étonnants. Justin Trudeau a participé à plusieurs rencontres internationales qui ont eu de larges échos au pays. « Il faut aussi mettre cela en perspective, dit-il. La lune de miel se poursuit. Il y a des chiffres extrêmement élevés d'approbation et d'intentions de vote. On a vu M. Trudeau se promener à l'étranger. On l'a vu aussi à Montréal à une conférence internationale avec Bill Gates, Bono et compagnie. Il est une star et il s'impose comme cela. Aussi, il reprend l'héritage du Parti libéral, qui voyait un rôle pour le Canada à l'international. Mais sur des questions comme l'économie, il est difficile de démontrer que si ça va mieux, c'est grâce au gouvernement. »

UN REMPART CONTRE LES TRUMP

Pour la vice-présidente de l'Argentine, Gabriela Michetti, Justin Trudeau ne représente rien de moins qu'un rempart contre le populisme à outrance dans lequel sombrent les Donald Trump de ce monde. Mme Michetti, qui a été portée au pouvoir avec le président Mauricio Macri le 10 décembre 2015 - soit quelques semaines seulement après la victoire de Justin Trudeau -, ne cache pas son inquiétude devant le discours tenu par le candidat républicain à la présidentielle américaine. « On parle beaucoup de Justin Trudeau en Amérique du Sud, a-t-elle dit en entrevue à La Presse pendant un récent passage à Ottawa. Je pense qu'il est comme Mauricio Macri. Ils sont des hommes du XXIe siècle. Ils sont modernes. Ils pensent à la politique d'une manière différente. Ils sont plus transparents, plus décontractés. » « C'est très difficile pour nous de penser que Trump pourrait être le président des États-Unis. Tout le monde va avoir des problèmes s'il est élu. Il n'offre rien aux personnes qui souffrent. »

UN RÔLE DE MÉDIATEUR ?

D'autres pays saluent le réengagement du Canada au sein des institutions multilatérales. « C'est vraiment un changement au niveau multilatéral, a affirmé à La Presse la conseillère fédérale de la Suisse, Doris Leuthard. Le Canada est visible, cela fait du bien. La Suisse, même si on est petit, joue toujours un rôle dans le multilatéralisme. Je pense que c'est important. Le multilatéralisme a souffert un peu dans le passé. La conférence de Paris a été un succès énorme. On ne fait plus de différence entre les pays industrialisés et les pays moins industrialisés. Le Canada était présent à ces négociations. Il peut jouer le rôle de médiateur. Le Canada et la Suisse, nous sommes puissants, mais nous ne sommes pas les grands joueurs. Je me réjouis beaucoup que le Canada soit de retour à toutes ces négociations, et d'une manière visible. »

LE PLUS POPULAIRE DE LA PLANÈTE, SELON DION

Stéphane Dion voit plus que quiconque l'effet positif qu'a eu l'élection de Justin Trudeau sur la réputation du Canada. « Il est probablement la personnalité politique la plus populaire en ce moment dans le monde, et si je me trompe, qu'on me dise c'est qui », a affirmé à La Presse le chef de la diplomatie canadienne. Cela soulève évidemment des attentes dans les capitales étrangères, notamment en ce qui a trait à l'influence de M. Trudeau auprès des Américains. « On compte beaucoup sur nous pour amener les Américains à travailler de façon multilatérale. C'est un peu le rôle du Canada sous les libéraux, à ne pas encourager les Américains à aller dans l'autre sens, c'est-à-dire d'agir tout seuls parce qu'ils sont le pays le plus fort. On compte beaucoup sur M. Trudeau, quel que soit le résultat des élections américaines, pour qu'on joue ce rôle. C'est une des raisons pour lesquelles on est accueillis à bras ouverts partout. »

UN MESSAGE REMARQUÉ

Les efforts déployés par Ottawa pour accueillir rapidement 25 000 réfugiés syriens entre décembre et février ont été soulignés par les Nations unies et aussi par le président des États-Unis, Barack Obama. « On est dans un monde qui est affligé par un populisme - disons le mot - proche de la xénophobie. Cela touche beaucoup, beaucoup de régions du monde. Il a une personnalité politique qui incarne l'inverse, il s'est fait élire en disant l'inverse à sa population - si vous nous élisez, vous n'aurez pas moins de réfugiés, vous en aurez plus. Si vous nous élisez, vous aurez un gouvernement qui est convaincu que la diversité est une force au Canada et dans le monde. Et on le dira partout. [...] On me parle du message de M. Trudeau partout où je vais », explique le ministre Stéphane Dion.

LES ATOUTS DU CANADA

« Le Canada doit être un architecte résolu de la paix, souligne Stéphane Dion. Ne sous-estimons jamais notre rôle. On n'est pas une superpuissance. Mais il n'y a pas beaucoup de pays qui sont un continent ou un semi-continent à eux seuls, qui parlent deux langues officielles qui sont deux langues internationales, qui sont une fédération avec des provinces qui peuvent donner un coup de main elles aussi, qui a deux systèmes juridiques qui rejoignent plus de 80 % des systèmes juridiques du monde, qui a une population multiculturelle qui nous donne une compréhension des moindres recoins dans le monde, qui a des racines en Europe, appartient aux Amériques et a une fenêtre vers l'Asie. Nous sommes tout seuls dans cette situation ! »

AVOCATS SANS FRONTIÈRES ENCOURAGÉ

« J'ai l'impression d'assister en direct à un changement majeur dans la politique étrangère canadienne », a confié hier à La Presse Pascal Paradis, directeur général d'Avocats sans frontières Canada, qui accompagne actuellement Stéphane Dion au Honduras et au Guatemala à titre de « ressource indépendante » pour « l'éclairer sur les questions de droits de l'homme ». Ne voulant pas servir de « faire-valoir », Me Paradis se réjouit d'avoir amené le ministre Dion à discuter de « questions très difficiles, très délicates » avec des militants locaux, comme le lien entre la présence d'entreprises canadiennes et les violations des droits de l'homme dans ces pays. « C'est la première fois qu'on peut faire ça depuis des années ! », s'exclame Me Paradis, qui attend maintenant de voir les mesures concrètes que prendra Ottawa.

- Avec Jean-Thomas Léveillé, La Presse