Les candidats à la direction du Parti conservateur Maxime Bernier et Michael Chong prédisent un bien triste sort à la formation aux prochaines élections si ses membres choisissent Kellie Leitch comme chef.

Les deux députés ont tour à tour établi, mardi, un parallèle entre le test des «valeurs anticanadiennes» de leur collègue et la charte de la laïcité développée par le gouvernement péquiste de Pauline Marois.

«On a fait le débat au Québec sur la charte des valeurs, c'est un débat que Mme Marois a fait, et on s'est aperçu du résultat électoral», a exposé M. Bernier en marge du caucus présessionnel conservateur.

La formation indépendantiste a perdu le pouvoir aux mains des libéraux en avril 2014 après avoir mené une campagne électorale partiellement axée autour de ce volet identitaire.

«Mme Leitch veut faire ce débat-là au Canada anglais, c'est parfait, qu'on le fasse, et on va le faire dans le cadre des débats du parti. On va voir ce que vont choisir les membres», a poursuivi le Beauceron.

Le député ontarien Michael Chong, qui a réitéré mardi sa farouche opposition à l'idée de dépister en amont les immigrants qui seraient animés par des «valeurs anticanadiennes», a offert la même analyse.

«C'est clair que le peuple canadien n'appuie pas les politiques d'identité, comme on a vu dans la dernière élection au Québec», a-t-il plaidé en marge de la réunion du caucus, qui se tient à Halifax.

Si les militants choisissent de se donner Mme Leitch comme chef, en mai prochain, le Parti conservateur du Canada (PCC) risque-t-il de s'effondrer à l'élection de 2019, comme ce fut le cas pour PQ en 2014?

«Je pense qu'il y a beaucoup de parallèles», s'est contenté de répondre M. Chong lorsqu'on lui a posé la question.

De son côté, Mme Leitch estime que cet enjeu pourrait lui permettre de remporter la victoire.

«Je prévois gagner! En fait, je serai chef en mai 2017, car je discute avec les membres du parti d'enjeux qui leur tiennent à coeur. Je leur ai parlé de mes croyances et des valeurs canadiennes», a-t-elle plaidé.

Ces valeurs sont, entre autres, «l'égalité des chances, le travail acharné, la générosité, la liberté et la tolérance», énumère systématiquement la députée ontarienne lorsqu'on lui pose la question.

La proposition pourrait être de nature à diviser les troupes conservatrices; aussi, la chef intérimaire du parti, Rona Ambrose, les a-t-elle exhortées à ne pas s'entredéchirer sur cette question.

Dans son discours d'ouverture, mardi matin, elle a invité députés et sénateurs à «parler d'une seule voix» pour éviter de fournir des munitions à leurs opposants.

«Nous savons que les polémiques font gonfler les cotes d'écoute, que ceux qui sont à l'extérieur de notre parti feront tout en leur pouvoir pour nous diviser», a-t-elle prévenu.

«Et mes amis, notre parti l'a vécu il y a très, très longtemps. Et nous n'avons aucune intention de revenir en arrière», a poursuivi Mme Ambrose, déclenchant un tonnerre d'applaudissements.

Pendant ce temps, du côté d'Ottawa, le ministre de l'Immigration, John McCallum, se moquait de Mme Leitch.

«Je ne pense pas qu'elle était une candidate sérieuse dans cette course avant qu'elle ne fasse ces déclarations, qui l'ont mise sur la carte», a-t-il raillé.

Le premier ministre Justin Trudeau s'est aussi permis un commentaire, décochant une flèche à l'endroit de l'opposition officielle alors qu'il était questionné sur une récente visite controversée dans une mosquée.

Il a glissé, en offrant sa réponse, que «les conservateurs ces jours-ci semblent sombrer dans cette politique de division, de peur».

Mais même dans les rangs conservateurs, la suggestion de Kellie Leitch a fait grincer des dents: la seule femme officiellement dans la course a été unanimement désavouée par tous ses rivaux déclarés dans la course à la direction - Maxime Bernier, Michael Chong, Tony Clement et Deepak Obhrai.

L'autre femme qui pourrait se retrouver sur les blocs de départ, Lisa Raitt, s'en est également dissociée.

Les spéculations entourant sa possible entrée en scène dans la course conservatrice ont pris un peu plus d'ampleur au lendemain de l'annonce par Peter MacKay qu'il renonçait à se lancer dans la mêlée.

La députée Raitt, qui est native de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, pourrait être l'une de celles à qui cette décision pourrait profiter.

L'élue de la circonscription de Milton, en Ontario, a cependant nié qu'elle attendait de savoir où logeait M. MacKay avant d'afficher ses couleurs.

«Non. Pas du tout», a-t-elle lâché, refusant toujours de lever le voile sur ses intentions, mardi.

«Ça n'arrivera pas aujourd'hui ou cette semaine», a-t-elle tranché en mêlée de presse dans le couloir de l'hôtel où sont réunis députés et sénateurs afin de préparer la rentrée parlementaire.

En attendant, c'est un autre candidat pressenti qui a franchi un pas de plus vers une candidature officielle.

Le leader parlementaire du PCC en Chambre, Andrew Scheer, a fait savoir qu'il démissionnait de ses fonctions pour explorer l'idée de se lancer.

Il a évoqué, lors d'une brève déclaration, la composition d'un comité exploratoire, mais en coulisses, un député qui l'appuiera a reconnu qu'il avait déjà décidé de sauter dans l'arène.

De son côté, l'ancien ministre des Anciens combattants, Erin O'Toole, se dit toujours en réflexion.

«Je vais prendre ma décision avec mon épouse et dans quelques semaines je vais parler de ça», a-t-il précisé en français.

Le prochain chef conservateur sera élu le 27 mai 2017. La date limite pour déposer une candidature a été fixée au 24 février 2017.