Justin Trudeau défend l'approche restrictive de son gouvernement à l'égard de l'aide médicale à mourir, arguant qu'il s'agit d'un virage considérable nécessitant d'être emprunté lentement et avec soin.

Le premier ministre fédéral a tenu ces propos, mardi, après que certains députés libéraux d'arrière-ban eurent dit craindre que le nouveau projet de loi du gouvernement ne respecte pas la Charte des droits et libertés et soit trop restrictif dans sa réponse à la décision de la Cour suprême du Canada ayant forcé les législateurs à revoir le cadre juridique.

Les détracteurs du projet ont souligné notamment qu'il n'accorderait pas le droit à l'aide médicale à mourir aux gens souffrant uniquement de maladies mentales, pas plus qu'il ne permettrait aux gens souffrant de conditions dégénératives telles que la démence de procéder à une requête au préalable.

Une réflexion adéquate sur ces questions «très, très lourdes» prendra du temps, a affirmé M. Trudeau, mais le temps manque au gouvernement qui doit respecter l'échéance du 6 juin établie par le plus haut tribunal au pays.

«Il s'agit de la première étape, qui est considérable. Certaines personnes ont estimé qu'elle aurait dû aller plus loin, je respecte cela», a dit le premier ministre.

Toutefois, M. Trudeau a dit espérer que les députés et les sénateurs prendront conscience à quel point le pas franchi est considérable, et qu'il faut y aller «un pas à la fois pour progresser d'une manière responsable car il s'agit de l'une de ses choses sur lesquelles vous ne pouvez pas revenir en arrière».

Trop restrictif

Mais une députée libérale d'arrière-ban, qui a entendu nombre d'avis de citoyens en fin de semaine lors d'une assemblée populaire sur la question, a affirmé à La Presse Canadienne que le projet de loi était beaucoup plus restrictif que ce qu'auraient souhaité ses électeurs.

«En fait, j'aimerais voir certains changements pour répondre aux besoins de mes électeurs et pour respecter la décision Carter (à l'origine de l'arrêt de la Cour suprême) comme référence», a exprimé en entrevue la députée fédérale à Toronto Yasmin Ratansi.

«Je ne veux pas que des gens qui souffrent aillent à se rendre en cour et contester pour faire respecter leurs droits», a-t-elle ajouté.

Des partisans de l'aide médicale à mourir estiment que le projet de loi fait fi de la décision de la cour et ont accusé le Parti libéral, se présentant comme le parti défendant les valeurs de la Charte des droits et libertés, de proposer le genre de loi restrictive qu'ils auraient attendue du précédent gouvernement conservateur.

«Je serais d'accord avec eux si le projet de loi ne change pas, et qu'il ne s'agit pas d'un vote libre», a dit le député libéral fédéral à Toronto Adam Vaughan, secrétaire parlementaire de M. Trudeau.

Toutefois, M. Vaughan a argué que le gouvernement était disposé à avoir un débat ouvert sur le projet de loi et à procéder à quelques changements, et qu'il avait promis de laisser les députés voter librement.

«Je crois que nous avons un processus dans lequel les Canadiens, par l'entremise de leurs représentants au Parlement, peuvent influencer les changements qu'ils souhaitent voir. C'est de cette manière que le gouvernement doit fonctionner», a dit M. Vaughan.

Dominic LeBlanc, leader du gouvernement en chambre, a affirmé que la faisabilité d'amendements dépendrait en partie de la vitesse avec laquelle le projet de loi traversera le processus législatif tant aux Communes qu'au Sénat avant l'échéance du 6 juin.