La mort naturelle d'un patient devra être «raisonnablement prévisible» selon le projet de loi fédéral sur l'aide médicale à mourir déposé à la Chambre des communes jeudi.

Le gouvernement fédéral fait ainsi un pas de plus que la loi québécoise, qui limite cette aide aux patients qui sont en fin de vie.

Ce projet de loi n'étendra toutefois pas cette aide aux «mineurs matures» ni aux demandes anticipées, contrairement à ce qui avait été recommandé en février par le comité parlementaire chargé d'étudier la question.

«La loi qui est récemment entrée en vigueur au Québec limite l'aide médicale à mourir aux patients qui sont en fin de vie, et ne permet que l'euthanasie volontaire», précise une fiche d'information remise aux médias.

«La loi fédérale proposée ressemble beaucoup à la loi québécoise, sauf que les personnes qui satisfont à tous les critères et dont "la mort est devenue raisonnable prévisible" seraient admissibles à l'aide médicale à mourir, tandis que, dans la loi québécoise, toute personne admissible doit être "en fin de vie".»

«La loi fédérale proposée permettrait également le suicide assisté et l'euthanasie volontaire dans le cadre de l'aide médicale à mourir.»

Le projet de loi modifie principalement le Code criminel pour créer une exemption à l'infraction d'aider quelqu'un à se donner la mort destinée pour certaines personnes, dont les médecins, les pharmaciens et les infirmiers.

Cinq principaux critères d'admissibilité sont proposés, soient : être admissible à l'aide médicale au Canada (afin d'éviter le tourisme médical); être majeur; être capable de fournir un consentement libre et éclairé; être affecté de problèmes graves et irrémédiables; et fournir une demande de manière volontaire et libre de contraintes.

Les problèmes de santé graves et irrémédiables sont considérés dans leur ensemble et ils n'excluent pas de type de maladies, tels que des troubles mentaux. Pour être considérés comme des « problèmes de santé grave et irrémédiable », ces troubles de santé doivent eux aussi respecter une série de conditions, à savoir : être considérés comme une maladie, une affection ou un handicap graves et incurables; que la situation médicale du patient soit caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; que les souffrances physiques ou psychologiques soient persistantes, intolérables et qu'elles ne puissent être apaisées d'une manière que le patient juge acceptable; et que la mort naturelle soit raisonnable prévisible « compte tenu de l'ensemble de sa situation ».

Ce projet de loi représente la réponse législative du gouvernement fédéral à l'arrêt Carter de la Cour suprême du Canada, qui a déclaré inconstitutionnelle cette interdiction d'aider un patient à se donner la mort dans certaines circonstances. Les critères imposés par la Cour suprême étaient toutefois plus larges que ceux présentés jeudi, en particulier à l'égard de ce concept de « mort naturelle raisonnablement prévisible ».

La Cour, en effet, a statué que l'inconstitutionnalité des infractions prévues au Code criminel s'appliquait à l'égard de personnes adultes capables; qui consentent clairement à mettre fin à leur vie; qui sont affectées par des problèmes de santé graves et irrémédiables; et dont ces problèmes leur causent des souffrances persistantes et intolérables.

Le gouvernement a toutefois fait valoir jeudi que les faits de l'arrêt Carter s'appliquaient justement à des personnes dont la mort naturelle était raisonnablement prévisible. « Nous avons présenté un projet de loi qui respecte entièrement la décision dans l'arrêt Carter de la Cour suprême du Canada », a déclaré Dominic LeBlanc, leader du gouvernement à la Chambre des communes.

M. LeBlanc a aussi souligné que « nous faisons face à un délai législatif qui est assez sévère » et que si aucune mesure n'est adoptée par la Chambre des communes et le Sénat d'ici au 6 juin, « on aura un vide législatif qui n'est pas l'idéal ».

Il a précisé que les députés libéraux seront libres de voter selon leur conscience sur ce projet de loi à la Chambre des communes, sauf les ministres qui seront tenus d'appuyer la position du gouvernement.

Dans son jugement rendu en février 2015, la Cour suprême a suspendu la déclaration d'invalidité des articles concernés du Code criminel et donné un an au gouvernement fédéral pour adopter un nouveau régime conforme à la Charte, à défaut de quoi ces dispositions cesseraient tout simplement de s'appliquer. En janvier, la Cour a prolongé ce délai jusqu'au 6 juin, en partie en raison de la campagne électorale qui a eu lieu pendant cette période.