Le gouvernement fédéral estime qu'une entente entre Air Canada et le gouvernement du Québec est conforme à l'esprit de la loi exigeant que le transporteur maintienne des activités d'entretien à Montréal, a indiqué vendredi le cabinet du ministre des Transports, Marc Garneau.

Le gouvernement fédéral modifiera tout de même la loi afin d'éviter à Air Canada de nouveaux litiges relativement à son obligation de maintenir des centres d'entretien dans trois villes canadiennes, a confirmé le directeur des communications Marc Roy.

Cette décision a été prise à la lumière de la décision du gouvernement du Québec de renoncer à sa poursuite contre le transporteur aérien après la fin de ses activités de grand entretien à Montréal, a indiqué le porte-parole.

«Ç'a été fait il y a 30 ans. La réalité n'est plus tout à fait la même, mais je pense que l'entente entre Québec et Air Canada respecte l'esprit de la loi d'il y a bientôt 30 ans, a-t-il dit. Mais les clauses étaient rendues un peu... pas désuètes, mais avaient besoin de modernisation.»

Plus tôt cette semaine, M. Garneau avait annoncé son intention de moderniser la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada (LPPCAC), adoptée en 1988, qui fixait les conditions par lesquelles le gouvernement fédéral privatisait l'entreprise.

L'article 6.1 stipule qu'Air Canada doit «maintenir les centres d'entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal».

L'automne dernier, la Cour d'appel a donné raison au gouvernement du Québec, qui soutenait que l'entreprise avait enfreint la loi en cessant ses activités d'entretien, entraînant la perte d'environ 1800 emplois spécialisés au sein de la société Aveos.

Air Canada a toutefois déposé, en janvier dernier, une requête en Cour suprême pour contester cette décision.

Mercredi, au moment de l'annonce qu'Air Canada a l'intention d'acheter 45 avions CSeries de Bombardier, un programme dont Québec est actionnaire, le premier ministre Philippe Couillard a déclaré son intention de renoncer à ce recours judiciaire.

En contrepartie, le gouvernement a obtenu l'engagement qu'Air Canada effectuera au Québec le grand entretien de ses appareils de la CSeries pour une période de 20 ans.

Vendredi, dans une entrevue téléphonique, M. Roy a affirmé que les risques d'outrage au Parlement limitent les informations qu'il peut divulguer sur le contenu du projet de loi que M. Garneau présentera.

«On a entendu le premier ministre du Québec dire qu'il avait l'intention de laisser tomber le litige avec l'entente du centre d'excellence, a-t-il dit. Une fois que ce sera fait, le ministre a dit qu'il moderniserait la loi pour qu'il n'y ait plus de tels litiges en allant de l'avant.»

M. Roy a précisé que le ministre n'a pas l'intention de modifier les obligations d'Air Canada relatives au maintien de son siège social à Montréal, au respect des langues officielles ou à la proportion de ses actionnaires étrangers.

À Washington, où il est en mission, le premier ministre Philippe Couillard a assuré vendredi que Québec renoncera à ses recours seulement si Air Canada concrétise son intention.

«On aura l'assurance, avant de faire quoi que ce soit sur la cause devant les tribunaux, parce que ce n'est pas fait encore, que la commande d'avions sera réalisée et que la condition du centre d'expertise sera confirmée avec les 1000 emplois qui y sont annoncés, a-t-il dit. Je sais que c'est une situation difficile, mais dans la situation actuelle, c'était le meilleur choix à faire, la meilleure politique à suivre.»

Une demande d'information au cabinet de la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, n'a pas permis d'obtenir plus de détails sur les conditions de l'entente conclue entre le gouvernement québécois et le transporteur.

Le député de la Coalition avenir Québec André Lamontagne, porte-parole du dossier de l'économie, craint qu'Ottawa retire au gouvernement québécois son rapport de force, en modifiant la LPPCAC.

M. Lamontagne a estimé vendredi que le gouvernement du Québec doit s'opposer au projet du ministre fédéral des Transports.

«Si les projets d'achat et de centre d'excellence ne se concrétisent pas, on a le bec à l'eau et on n'a plus aucun recours envers Air Canada, a-t-il dit. Si c'est le chemin où ça se dirige, c'est certain que pour nous c'est inacceptable, il faut faire en sorte que le fédéral ne pose pas ce geste.»

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a lui aussi parlé de l'importance pour les gouvernements d'obtenir des garanties de la part d'Air Canada avant de renoncer aux recours devant les tribunaux ou de modifier la loi fédérale.

«Je veux juste m'assurer que, quand on dit qu'on laisse tomber (les recours) parce qu'il va y avoir au bout de la ligne un centre de formation, je veux m'assurer que c'est le cas. La pression doit venir pas nécessairement du gouvernement du Québec, mais au niveau d'Air Canada, parce que la loi est très claire là-dessus», a dit le maire Coderre lors d'un point de presse portant sur un autre sujet, en fin de journée.

«Si au bout de la ligne, vous avez des résultats où on consolide davantage notre position, pour assurer qu'il y ait des contrats, des mandats tant au niveau de la maintenance que de l'aéronautique, bien à ce moment-là on applaudira, mais on veut des garanties», a-t-il ajouté.

En 2007, Air Canada a vendu sa filiale de services techniques à un consortium qui a repris ces activités sous le nom d'Aveos.

L'entreprise a fermé ses portes en 2012, quand le transporteur a décidé de confier le contrat de grand entretien de ses appareils à la société Lufthansa Technik.

Cette même année, le gouvernement du Québec, rejoint par celui du Manitoba, a décidé de poursuivre Air Canada afin de faire respecter les dispositions de la LPPCAC.