En dépit de ses sorties répétées contre la Russie, l'ancien gouvernement conservateur avait discrètement imposé des limites claires à la participation des Forces armées canadiennes à la mission de l'OTAN visant à rassurer les pays d'Europe de l'Est après l'annexion de la Crimée par Moscou, selon des documents récemment publiés.

Des directives datant du 27 mai 2014 autorisant l'armée à effectuer une grande variété d'opérations en Europe excluent explicitement le retour à des bases militaires permanentes comme à l'époque de la guerre froide et proposent plutôt d'exercer une présence grâce à une alternance de troupes, d'avions et de navires de guerre.

Des spécialistes des questions militaires ont souligné que les conservateurs, qui sont maintenant dans l'opposition, ont été prompts à dénoncer la décision du nouveau gouvernement libéral de limiter et de redéfinir la mission de combat du Canada contre l'État islamique en Irak et en Syrie.

Les restrictions concernant l'Opération Reassurance dans l'est de l'Europe ont été énoncées dans un document de 26 pages obtenu par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Les experts affirment que ces directives montrent à quel point il y avait un fossé qui séparait le discours du gouvernement de l'ex-premier ministre Stephen Harper et ce qu'il était réellement prêt à faire sur le terrain aux côtés de ses alliés.

Durant sa dernière année au pouvoir, M. Harper a été critiqué pour avoir tenu des propos durs et inflexibles à l'égard du régime de Vladimir Poutine et de la menace du groupe extrémiste État islamique tout en coupant dans le budget de la défense.

Dave Perry, un analyste militaire de l'Institut canadien des affaires mondiales, estime que le gouvernement de Justin Trudeau peut tirer plusieurs leçons de cette histoire.

Il explique que toutes les déclarations des conservateurs ont fini par créer de grandes attentes du côté de leurs alliés comme l'Ukraine et que le lien de confiance avec ces pays devra être rétabli au cours de la prochaine année.

«Si le nouveau gouvernement arrive à rendre son opinion sur ce qui devrait se passer dans le monde plus conforme aux ressources dont il dispose en réalité, il rendra un grand service à notre politique internationale», indique M. Perry.

D'après les directives signées par le général à la retraite et ancien chef d'état-major de la défense Tom Lawson, les Forces armées canadiennes avaient reçu l'ordre d'être constamment présentes en Europe en affectant à la mission une seule compagnie, soit environ 150 soldats, qui effectuerait une rotation dans la région. Elles allouaient aussi six CF-18 sur une base régulière et un nombre indéterminé de «plateformes navales».

«Je ne pense pas que les gens s'attendent à ce que le Canada règle à lui seul tous les problèmes du monde, mais l'incohérence entre ce que nous disions et notre contribution réelle n'aidait pas beaucoup, croit Dave Perry. Au bout du compte, nous n'avons pas été aussi efficaces sur la scène internationale que nous aurions pu l'être.»