Le Canada devrait être au premier rang d'un mouvement international visant à démilitariser l'Arctique et à le décréter zone dénucléarisée, a déclaré, mercredi, l'ancien ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy.

À part le Conseil de l'Arctique, qui ne s'occupe pas des questions relatives à la sécurité, il existe très peu de structures internationales pour gouverner le Grand Nord, une situation qui inquiète l'ex-ministre libéral.

Selon lui, il est important que le Canada lance une initiative diplomatique avant que les Nations unies ne commencent à partager l'Arctique entre les différents pays concernés.

«Le temps est venu de promouvoir la démilitarisation et la dénucléarisation de ce territoire», a renchéri M. Axworthy, qui a agi comme ministre des Affaires étrangères sous Jean Chrétien et qui a contribué à faire adopter le traité contre les mines antipersonnel.

«Si l'on regarde ce qui se passe sur le plan international, je crois que ce serait une façon de mettre des bâtons dans les roues de (Vladimir) Poutine», a-t-il poursuivi en marge d'un symposium de l'Institut de la conférence des associations de la défense traitant de l'impact des changements climatiques sur les politiques en matière de sécurité.

Cela pourrait s'avérer plus facile à dire qu'à faire puisque la Russie a récemment réactivé en Arctique une série de bases militaires remontant à la guerre froide, en plus de déployer des effectifs imposants et d'augmenter la fréquence des patrouilles de ses avions à long rayon d'action sur le territoire. Elle a également procédé plus tôt cette année à un important exercice simulant une confrontation nucléaire.

Lloyd Axworthy a fait ces commentaires alors qu'une analyse effectuée par le ministère de la Défense laisse entendre que le comportement de Moscou sur la scène internationale et l'intensification de ses activités militaires pourraient avoir comme objectif d'assurer ses arrières.

«Les actions de la Russie relèvent de la défense du territoire, peut-on lire dans le document lourdement censuré daté du 31 octobre 2014 dont La Presse Canadienne a obtenu copie. Moscou vise également à maintenir une zone tampon stratégique afin de se défendre contre de potentielles invasions étrangères.»

Avant même le débat sur les changements climatiques, l'Arctique était un territoire contesté. Les sous-marins nucléaires des États-Unis et de la Russie se sont promenés régulièrement sous la glace et les stations radar terrestres ont fréquemment signalé la présence d'avions et de missiles russes durant la guerre froide.

La fonte des banquises a ouvert la voie à une chaude lutte pour des ressources autrefois inaccessibles. Les scientifiques estiment que 13 pour cent des réserves mondiales de pétrole et 30 pour cent des réserves mondiales de gaz naturel encore inexploitées se trouvent en Arctique.

Le gouvernement Harper a tenté de renforcer la présence du Canada dans le Grand Nord par l'entremise de navires de guerre de faible tonnage, d'une nouvelle base en eau profonde et d'une hausse des exercices militaires.

Mais selon M. Axworthy, les efforts d'Ottawa font pâle figure par rapport aux milliards de dollars investis par la Russie.

«Il faut que quelque chose se produise pour amener les gens à réfléchir de manière plus sérieuse à l'aspect sécuritaire», a-t-il conclu.