Deux organismes contestent devant les tribunaux la constitutionnalité d'amendements apportés par le gouvernement conservateur à la Loi électorale, qui auront pour conséquence, selon eux, de restreindre le droit de vote de milliers de Canadiens lors du prochain scrutin, prévu le 19 octobre.

Le Conseil des Canadiens et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants ont déposé leurs arguments écrits en vue de leur contestation judiciaire de certaines dispositions de la réforme électorale adoptée en 2014, appelée par les conservateurs la «Loi sur l'intégrité des élections».

L'avocat des deux groupes, Steven Shrybman, a estimé lundi, en conférence de presse à Ottawa, que c'est la légitimité même du gouvernement qui est en cause si ces amendements demeurent en vigueur.

Selon les deux groupes, les nouvelles dispositions relatives à l'identification de l'électeur contreviennent à l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit de vote pour tous, et portent atteinte au principe d'équité inscrit dans la Constitution.

Le cabinet du ministre responsable de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, n'a pas commenté la contestation judiciaire, lundi.

Le projet de «loi sur l'intégrité des élections» avait été déposé au printemps dernier et avait aussitôt suscité de sévères critiques d'experts d'horizons divers, ici et à l'étranger. Les conservateurs avaient finalement amendé leur projet de loi pour en retirer les articles les plus controversés, et l'avaient ensuite fait adopter à toute vapeur par les Communes et le Sénat.

Mais le gouvernement conservateur a entre autres retenu l'amendement qui ne permet plus d'aller voter avec comme seule preuve de résidence son carton de l'électeur, posté à la maison - comme l'ont fait quelque 400 000 Canadiens lors du scrutin de 2011. La nouvelle loi élimine aussi le recours au mécanisme du «répondant» pour les électeurs qui n'auraient pas sur eux une pièce d'identité appropriée. En 2011, 120 000 autres Canadiens avaient ainsi pu exercer leur droit de vote.

Jessica McCormick, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ), estime que des milliers d'étudiants de niveau post-secondaire qui souhaitent exercer leur droit de vote pour la première fois cet automne seront refoulés au bureau de scrutin à cause de la nouvelle disposition qui exige une carte d'identité comportant une adresse de résidence dans la circonscription.

Comme le scrutin - à date fixe - doit avoir lieu le 19 octobre prochain, le temps presse pour la contestation judiciaire de la réforme électorale. Aucune date n'a encore été fixée pour l'audition de la cause, a indiqué Me Shrybman, lundi.

Si jamais la cause sur le fond n'était pas entendue avant la tenue du scrutin, le Conseil des Canadiens et la FCÉÉ demandent au tribunal d'émettre une injonction qui suspendrait l'application des nouveaux articles contestés.

L'avocat a rappelé que les conservateurs avaient formé un gouvernement majoritaire en 2011 grâce à un peu moins de 10 000 voix réparties dans 16 circonscriptions où la lutte a été chaude. «N'oubliez pas que quelques centaines de voix, quelques dizaines - à plus forte raison quelques milliers de voix - peuvent sceller l'issue d'une élection dans n'importe quelle circonscription», a plaidé Me Shrybman.