Depuis les dernières élections fédérales, une question revient souvent sur les lèvres des militants conservateurs du Québec: le gouvernement Harper a-t-il fait une croix sur la belle province? Les stratèges conservateurs tenteront-ils de remporter une deuxième majorité consécutive sans déployer trop d'efforts au Québec?

Après tout, en 2011, les troupes de Stephen Harper ont finalement obtenu la majorité des sièges à la Chambre des communes après deux mandats minoritaires, en faisant des gains importants en Ontario et en récoltant seulement cinq sièges au Québec.

La réponse à cette question lancinante a commencé à prendre forme en août dernier, quand le ministre des Affaires intergouvernementales et lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, Denis Lebel, a amorcé une tournée des régions d'une douzaine de jours pour contrer le «mythe» selon lequel le Parti conservateur a fait une croix sur le Québec et n'a d'yeux que pour le reste du pays, notamment l'Ontario et l'Alberta.

«On veut faire des gains au Québec. Je vais donc à la rencontre des Québécois pour les écouter», avait alors affirmé le ministre Lebel dans une entrevue à La Presse avant de prendre la route à bord d'une fourgonnette payée par le Parti conservateur.

Le calcul est fort simple. L'effondrement du Bloc québécois change complètement la donne politique au Québec. Pour la première fois en deux décennies, la bataille sur le terrain au Québec se fera essentiellement entre trois partis fédéralistes: le NPD, le Parti libéral et le Parti conservateur. Et les stratèges conservateurs estiment possible de remporter au moins une quinzaine de sièges dans un tel contexte.

Ces mêmes stratèges sont tout aussi conscients qu'une deuxième majorité de suite passe inéluctablement par l'obtention de nouveaux sièges au Québec. Il leur faut donc reprendre les sièges perdus aux mains du NPD dans la région de Québec au dernier scrutin et réaliser une percée dans le 450, sinon dans l'île de Montréal, afin de compenser la perte prévue de sièges dans les provinces atlantiques et en Ontario.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Stephen Harper et ses principaux ministres ont multiplié les visites et les annonces dans la région de Québec depuis septembre dernier.

De nouvelles recrues

Durant sa tournée, en août, Denis Lebel a aussi profité de l'occasion pour sonder l'intérêt de certains élus municipaux, de gens d'affaires et autres acteurs à la feuille de route intéressante pour faire le saut en politique fédérale. Mais il est incontestablement difficile de convaincre un candidat de faire le saut quand les sondages sont défavorables au Parti conservateur depuis plus de deux ans - environ 15% en moyenne, selon les derniers coups de sonde.

Toutefois, à mesure que l'on se rapproche du 19 octobre, date prévue des prochaines élections fédérales, certains sortent de l'ombre.

Cette semaine, l'ancienne journaliste-présentatrice Pascale Déry a manifesté son intention de briguer l'investiture du Parti conservateur dans la circonscription de Mont-Royal, un bastion libéral hautement convoité depuis plusieurs années par les troupes de Stephen Harper. Âgée de 38 ans, mère de deux enfants, Mme Déry doit confirmer ses intentions le 21 janvier.

L'annonce de sa candidature a eu pour effet «de fouetter les militants», selon les apparatchiks du Parti conservateur.

La Presse a aussi rapporté mardi que le député caquiste de Chauveau à l'Assemblée nationale, Gérard Deltell, ferait le saut sur la scène fédérale en portant les couleurs du Parti conservateur aux prochaines élections. Il faut dire que les conservateurs voient M. Deltell dans leur soupe depuis longtemps. Denis Lebel a eu plusieurs échanges avec lui au cours des derniers mois.

«Quand on mentionne la candidature de Gérard Deltell, par exemple, cela motive les troupes. Il faut dire que Denis Lebel a très bien fait son travail pour recruter des candidats jusqu'ici», souligne-t-on dans les rangs conservateurs.

«La candidature de Pascale Déry est aussi importante. Elle pourrait avoir un effet d'entraînement et convaincre d'autres personnes bien connues de faire le saut avec nous», a ajouté une source conservatrice.

En privé, certains conservateurs estiment que le recrutement de candidats de la trempe de Pascale Déry et de Gérard Deltell constitue le meilleur antidote pour contrer l'image négative qu'ont les électeurs du Québec de Stephen Harper.