Quand il a commencé à écrire la biographie de Brian Mulroney, le journaliste Guy Gendron avait choisi Le réconciliateur pour titre de travail. Et c'est justement cette formule qui a semblé venir à l'esprit de l'ex-premier ministre canadien quand il a évoqué hier soir son amitié brisée avec Lucien Bouchard.

« Il ne faut jamais dire : "Fontaine je ne boirai pas de ton eau !" », a lancé l'ancien chef du Parti progressiste-conservateur, le regard serein. « Mais ce serait peut-être à l'avenir d'en juger. »

La formule, prononcée dans le salon ovale du Ritz-Carlton de Montréal, où avait lieu le lancement du livre Brian Mulroney : l'homme des beaux risques, a fait écho aux propos lancés la semaine dernière par un Lucien Bouchard plus réfractaire à l'idée d'une réconciliation.

« On va se serrer la main. Mais renouer, s'asseoir et prendre un café, non. Je ne pense pas que c'est possible. Ce n'est pas une affaire d'honneur. Ce sont des blessures », avait ainsi déclaré l'ancien premier ministre du Québec dans Nation, un documentaire présenté à Télé-Québec.

Circonstances difficiles

Les deux hommes étaient de « grands amis », des « amis intimes », a souligné Brian Mulroney hier. « Et c'est arrivé dans des circonstances qui sont difficiles », a-t-il poursuivi, évoquant le départ de Lucien Bouchard, qui a quitté le Parti progressiste-conservateur dans la foulée du rapport Charest, qui prévoyait des modifications à l'accord du lac Meech.

Selon Guy Gendron, cette affaire est une sorte de « plaie qui n'est pas refermée ». Mais une plaie que Brian Mulroney se permet parfois de rouvrir, non sans douleur. « Pour la biographie et la série télé [quatre épisodes d'une heure qui ont précédé l'écriture du livre], il m'a dit : "Tu peux avoir les gens que tu veux, y compris Lucien Bouchard" », a souligné le journaliste. « Il est encore extrêmement blessé. Quand il en parle, il a la mâchoire qui tremble, les larmes aux yeux », a-t-il continué, avant de confirmer que Lucien Bouchard avait refusé de prêter son concours au projet.

L'affaire Airbus

L'ouvrage du journaliste, une biographie non autorisée, mais réalisée avec la pleine collaboration de son principal sujet, aborde l'affaire Airbus, ce scandale entourant de présumées commissions versées secrètement au gouvernement Mulroney en échange de l'achat d'avions Airbus par Air Canada, alors une société d'État. C'est une première, puisque l'autobiographie du politicien fédéral, une brique de 1200 pages publiée en 2007, était muette là-dessus.

« Mon livre se terminait avec l'année 1993. L'affaire Airbus, c'est arrivé en 1995 », a déclaré Brian Mulroney pour défendre son choix. Était-il réticent à aborder le sujet avec le journaliste d'enquête qu'est Guy Gendron ? « Pas du tout », a-t-il clamé.

La réconciliation

Par sa démarche, Guy Gendron cherchait à comprendre la quasi-obsession de Brian Mulroney pour la réconciliation nationale. Il a trouvé ses réponses dans les origines du politicien : sa jeunesse à Baie-Comeau, où il fréquentait l'école française, parce qu'il était catholique. « Ça tient de sa personnalité. C'était un anglophone dans un village majoritairement francophone. Il a toujours été comme un trait d'union », a noté le journaliste.

Un « trait d'union » qui aura été témoin de plus d'une bataille pour que le Québec trouve sa place dans la Constitution canadienne. Un « réconciliateur », qui souhaite au premier ministre Philippe Couillard la meilleure des chances pour réaliser l'entente constitutionnelle qu'il a récemment évoquée. « Ce ne sera pas pour demain, j'en conviens, mais ce ne sera pas une mauvaise chose si, à un moment donné, on retrouve le Québec solidement et heureusement impliqué et réuni dans le giron constitutionnel canadien », a affirmé Brian Mulroney, peut-être dans l'espoir de voir naître un nouveau beau risque.

- Avec la collaboration de Vincent Marissal