Rocco Galati frappe encore. L'avocat de Toronto qui avait été le premier à contester la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême du Canada demande à la Cour fédérale d'annuler une nouvelle nomination judiciaire du gouvernement Harper.

Le ministre fédéral de la Justice a annoncé vendredi après-midi la nomination de Robert Mainville, un juge de la Cour d'appel fédérale, à la Cour d'appel du Québec. Cette nomination a fait sourciller dans les milieux politiques et juridiques : en mars, la nomination de Marc Nadon comme l'un des trois juges du Québec à la Cour suprême a été invalidée parce qu'il s'est avéré inadmissible en tant que juge de la Cour d'appel fédérale. 

Dans sa requête déposée à la Cour fédérale lundi, M. Galati affirme que cette nomination du juge Mainville à la Cour d'appel du Québec contrevient à l'article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui stipule que « les juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province ». 

L'avocat ajoute qu'il s'agit d'une « tentative claire [...] de passer outre la règle de droit en ignorant la décision de la Cour suprême du Canada ».

Il craint en effet que le gouvernement tente de faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement en nommant le juge Mainville au plus haut tribunal du Canada d'ici quelques mois. Un nouveau poste de juge du Québec sera à combler en novembre avec le départ à la retraite de Louis LeBel. 

Cette crainte est accentuée par le fait que le nom de Robert Mainville se serait trouvé sur la courte liste des candidats du gouvernement Harper durant le processus qui a mené au choix de Marc Nadon.

M. Galati demande donc à la Cour d'empêcher ou d'annuler cette nomination, et au ministre de la Justice de renvoyer l'affaire directement à la Cour suprême pour lui demander son avis sur la constitutionnalité de cette nouvelle démarche. 

Il propose enfin que l'affaire soit entendue à Toronto, à moins que la Cour fédérale n'en décide autrement. 

« Une première » 

Robert Mainville est originaire de Montréal et il a été nommé à la Cour fédérale en 2009. Il dirigeait auparavant le groupe de droit autochtone au sein du cabinet Gowling Lafleur Henderson. Il se spécialise également en droit administratif et constitutionnel.  

Le NPD s'est insurgé contre cette nouvelle nomination, bien que le parti ait reconnu les mérites du juge Mainville en tant que juriste. « C'est une première. Dans toute l'histoire des nominations à la Cour d'appel du Québec, on n'a jamais vu de juge d'une cour d'appel fédérale ou de la Cour fédérale se faire nommer à la Cour d'appel du Québec », a lancé la députée du NPD Françoise Boivin. 

« Les conservateurs tentent d'utiliser la Cour d'appel du Québec comme tremplin pour contourner les règles de nomination à la Cour suprême », a dénoncé le chef néo-démocrate Thomas Mulcair. 

Le ministre de la Justice, Peter MacKay, a qualifié ces attaques de spéculations et vanté la compétence de Robert Mainville. « Ce n'est pas une attaque [contre la Cour suprême]. C'est une décision basée sur le mérite et sur l'excellence en droit », a-t-il déclaré. 

Le ministre MacKay a néanmoins commis un lapsus lors de la période de questions en affirmant que « cette mine de connaissances juridiques sera bienvenue à la Cour suprême et sera d'un important bénéfice à la Cour d'appel du Québec ». 

Il a par la suite affirmé que par Cour suprême, il voulait plutôt dire Cour d'appel. 

La nomination du juge Mainville à la Cour suprême du Canada serait d'autant plus surprenante que les trois sièges québécois seraient occupés par des hommes et qu'aucun des trois magistrats ne proviendrait de la région de Québec, comme le veut la tradition. 

Ses deux dernières nominations, Richard Wagner et Clément Gascon, sont originaires de Montréal, tandis que Louis LeBel est de Québec. Stephen Harper n'a pas nommé de Québécoise au plus haut tribunal du pays depuis le départ de Marie Deschamps il y a deux ans.

Photo Trevor Hagan, PC

L'avocat de Toronto, Rocco Galati, demande à la Cour d'empêcher ou d'annuler cette nouvelle nomination.

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

Robert Mainville