L'élection d'un gouvernement libéral à Ottawa aux prochaines élections raviverait la flamme souverainiste au Québec, a suggéré mardi matin le ministre d'État Maxime Bernier.

Le député beauceron a fait valoir que l'engouement pour cette option était plus fort lorsque des gouvernements libéraux étaient au pouvoir à Ottawa, puisque ces derniers ne cessent d'empiéter sur les champs de compétence des provinces.

«Il faut arrêter les chicanes constitutionnelles. Il faut respecter la Constitution, c'est ce que je dis. Et dans le passé, lorsque le mouvement souverainiste était populaire au Québec, qui est-ce qu'il y avait à Ottawa? Il y avait un gouvernement libéral interventionniste», s'est-il exclamé en marge d'une allocution livrée à Montréal devant le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

Le député Stéphane Dion, porte-parole libéral pour les Affaires intergouvernementales, n'a pas digéré les commentaires de son collègue aux Communes concernant les répercussions qu'aurait une éventuelle prise de pouvoir des troupes de Justin Trudeau.

Il a accusé Maxime Bernier de «réécrire l'histoire» dans le simple objectif de faire de la «petite politique sur le dos du Canada et du Québec».

«On pourrait se demander ce que le référendum de 1980 aurait donné si M. (Joe) Clark avait été au pouvoir au lieu de M. (Pierre Elliott) Trudeau, ou en 1995, si M. (Preston) Manning avait été là au lieu de M. (Jean) Chrétien», a-t-il illustré.

«On peut noter qu'en 2012, le Parti québécois a pris le pouvoir alors que les conservateurs étaient au pouvoir. Je pourrais en tirer toutes sortes d'arguments, mais je ne le ferai pas», a-t-il plaidé.

Le Québec, un «quêteux»

Pour regagner un peu de fierté et retrouver sa place au sein du Canada, le Québec devrait revoir ses politiques interventionnistes afin de générer de la richesse et cesser de «quémander» auprès du fédéral, a lancé M. Bernier.

«Je ne suis pas fier d'être Québécois lorsqu'on est une province pauvre. J'aimerais que le Québec soit une province riche. Et si on est une province pauvre, c'est pas la faute du reste du Canada. On a des politiques publiques au Québec qui font en sorte qu'on s'appauvrit», a-t-il poursuivi, dénonçant le modèle «tentaculaire» de l'État québécois qui «brime» les libertés et empêche la création de richesse.

Et pour aller de l'avant, il faudrait également que l'«élite nationaliste» - dont le ministre d'État a refusé d'identifier les porte-étendards - passe par-dessus certains traumatismes, comme la victoire des Britanniques sur les plaines d'Abraham en 1759.

«Il va falloir finir par accepter le fait que cela s'est passé il y a plus de 250 ans. Et que le Québec d'aujourd'hui est celui qui a été façonné pendant ces 250 ans, ce n'est pas une sorte de Nouvelle-France corrompue par la présence anglophone et à laquelle il faudrait redonner la pureté d'antan», a-t-il ironisé.

La langue des vainqueurs s'inscrit dans la construction de l'identité québécoise et ne constitue donc pas une menace, a analysé Maxime Bernier.

À ses yeux, au nom de la «rectitude politique nationaliste», on tente de circonscrire cette identité en identifiant le français comme étant la seule langue qui la définit.

«Ne peut-on pas reconnaître cela une fois pour toutes? Reconnaître que l'anglais fait partie de nous, de notre histoire, de notre culture, de notre identité. Reconnaître que l'anglais n'est pas une langue étrangère mais aussi une langue québécoise.»

Le ministre d'État à la petite entreprise, au tourisme et à l'agriculture a par ailleurs pourfendu le concept de fédéralisme rentable développé par Robert Bourassa pour répliquer au discours indépendantiste dans les années 1970.

Car dans l'esprit de beaucoup de Québécois, la rentabilité du fédéralisme, «c'est la quantité d'argent qu'on réussit à soutirer au reste du Canada», et cela justifie le «premier réflexe» d'une bonne partie de la classe politique, qui va «constamment quêter» plus d'argent au fédéral, a déploré M. Bernier.

En cela, le politicien fédéral rejoint la ligne de pensée du premier ministre Philippe Couillard, qui a dénoncé la notion dans une lettre ouverte publiée en décembre 2012.

Le chef libéral, qui effectue sa rentrée parlementaire mardi, avait alors écrit que «l'option fédéraliste qui est encore la nôtre aujourd'hui, une option basée sur une vision de partage économique, social et culturel donnant à notre citoyenneté canadienne un sens qui va bien au-delà des considérations de «rentabilité» ou de mécanique constitutionnelle».

Son ministre des Finances, Carlos Leitao, a nié que le Québec demandait la charité au fédéral, qui doit lui verser cette année un montant de 9,3 milliards $ en péréquation - ce que Maxime Bernier estime gênant.

«On ne quête pas de l'argent», a-t-il affirmé mardi dans les couloirs de l'Assemblée nationale au terme d'une rencontre «de courtoisie» avec son homologue au fédéral, Joe Oliver.

«Il y a certains changements qui ont été proposés par le gouvernement fédéral, et les provinces, de concert, vont proposer au gouvernement fédéral de revoir sa méthode de calcul», a ajouté M. Leitao, dont le premier budget est attendu début juin.

«On va faire nos devoirs, comme citoyens canadiens, de faire nos représentations au niveau fédéral», a-t-il résumé.

Les propos tenus par M. Bernier sur l'économie québécoise ont été balayés du revers de la main par Stéphane Dion, qui les a qualifiés d'«insultants».

«Le Canada est l'un des pays les plus riches du monde, et être un peu moins riche que la moyenne canadienne, ce n'est pas une déchéance. C'est quelque chose de tout à fait acceptable», a-t-il déclaré.