Bert Brown, qui a longtemps été la tête d'affiche des conservateurs pour la réforme du Sénat, a présenté des factures salées aux contribuables durant le trimestre de 2011 couvrant la dernière campagne électorale de 36 jours.

Une analyse des rapports de dépenses des sénateurs réalisée par La Presse a permis de constater que Mike Duffy n'est pas le seul à avoir soumis des réclamations importantes durant cette période, même si la grande majorité des parlementaires avaient déserté Ottawa pour aider leur parti à gagner les élections.

Plusieurs autres sénateurs - conservateurs et libéraux - ont maintenu, voire augmenté leur rythme de dépenses durant ce trimestre allant du 1er mars au 31 mai 2011.

M. Brown retient particulièrement l'attention. Il a alors réclamé près de 43 000$ en frais de voyage. C'est plus que ce qu'il a déclaré dans la dizaine de rapports trimestriels que La Presse a consultés. Pourtant, la Chambre a siégé pendant un seul des trois mois visés par ce trimestre, puisque la campagne électorale s'est déroulée du 26 mars au 2 mai et que le discours du Trône, qui marque la reprise des travaux parlementaires, n'a été lu que le 3 juin.

M. Brown a en outre réclamé près 5000$ en frais de subsistance, réservés aux séjours dans la région de la capitale nationale, soit environ la même somme que dans les autres rapports.

Bert Brown, qui a pris sa retraite du Sénat en mars, n'a pas fourni d'explication précise lorsque La Presse l'a joint par téléphone à Calgary, hier. Mais il a affirmé que tout le travail qu'il avait fait durant son séjour de près de six ans à la Chambre haute avait pour but de promouvoir la réforme de l'institution.

«Dès que j'ai été élu au Sénat, Stephen Harper m'a envoyé en mission pour parler à tous les premiers ministres de toutes les provinces, incluant les territoires. Et c'est ce que j'ai fait», a-t-il dit.

L'ex-sénateur n'est pas le seul dans cette situation. Les rapports concernant d'autres conservateurs et libéraux comme Vivienne Poy, Pana Merchant, Dennis Patterson et Pamela Wallin laissent aussi voir des sommes aussi élevées, sinon plus, qu'à l'habitude. Mme Wallin fait toujours l'objet d'une enquête par la firme Deloitte. Elle a quitté le caucus conservateur en attendant la fin de l'enquête.

Le NDP veut des réponses

Le critique du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d'éthique, Charlie Angus, s'est dit outré des réclamations soumises par M. Brown au printemps 2011. Selon lui, le cas de M. Brown doit faire l'objet d'une enquête, au même titre que les dépenses de M. Duffy, même s'il ne siège plus au Sénat. «C'est un exemple de ce qui ne tourne pas rond au Sénat. Où est l'imputabilité? M. Brown a-t-il facturé les contribuables alors qu'il faisait campagne pour les conservateurs? Il faut avoir des réponses à ces questions, car il s'agit de l'argent des contribuables», a-t-il dit.

La légitimité de réclamer des dépenses liées aux travaux du Sénat en période électorale a été mise en doute par le sénateur conservateur Claude Carignan, lors d'une réunion du comité de régie interne, mardi soir.

«En campagne électorale, après la campagne électorale, au mois de mai, alors que le Sénat ne siège pas, alors que le Conseil des ministres n'est même pas convoqué ni même nommé. Le discours du Trône a lieu le 3 juin. J'ai de la misère. Tu peux peut-être répondre à des lettres, quelques-unes, deux jours, supposons, mais 20 jours... Ça va beaucoup plus loin», a-t-il dit. Il parlait alors du cas de Mike Duffy.

Des indemnités douteuses pour Mike Duffy

Un rapport rendu public lors de la réunion de ce comité a révélé que M. Duffy avait réclamé des indemnités quotidiennes réservées aux travaux du Sénat dans la capitale nationale à 49 reprises, alors qu'il «ne se trouvait visiblement pas» à Ottawa. Pour arriver à cette conclusion, le service des finances du Sénat a croisé les résultats d'une vérification externe menée par la firme Deloitte avec ses propres dossiers. Deloitte a pu éplucher les relevés de cartes de crédit et de téléphone pour dresser un portrait de ses allées et venues quotidiennes. Les mêmes informations n'existent pas pour l'ensemble des sénateurs, comme Bert Brown, et il est donc impossible pour le moment de savoir si ces dépenses sont légitimes.

Le comité de la régie interne a décidé à l'unanimité de transférer le dossier de M. Duffy à la Gendarmerie royale du Canada.

Hier, plusieurs sénateurs influents ont écarté l'idée d'instituer une enquête plus large pour vérifier si d'autres cas de dépenses douteuses ont pu passer sous le radar. La leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton, a affirmé que les changements de règles adoptés mardi seraient suffisants pour l'avenir.

Aux Communes, hier, le premier ministre Stephen Harper a de nouveau été soumis à un barrage de questions de la part du chef du NPD Thomas Mulcair dans l'affaire Nigel Wright-Mike Duffy. Mais M. Harper a décidé de passer à l'offensive en reprochant à plusieurs reprises à M. Mulcair d'avoir fermé les yeux sur des gestes de corruption de l'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, pendant 17 ans.