Un mouvement pour l'abolition pure et simple du Sénat prend de l'ampleur parmi les conservateurs de Stephen Harper, malmenés dans l'opinion publique depuis l'éclatement du scandale des dépenses de certains sénateurs.

Tant et si bien que le NPD pourrait ne pas être le seul parti politique à préconiser la disparition de la Chambre haute d'ici aux prochaines élections fédérales en 2015.

Tout dépendra de la décision de la Cour suprême du Canada, qui doit se prononcer cet automne sur la constitutionnalité de la réforme du Sénat proposée par le gouvernement Harper visant à permettre l'élection des sénateurs et à limiter leur mandat à huit ans, selon des informations obtenues par La Presse de plusieurs sources.

Fait à noter, le gouvernement Harper a aussi demandé au plus haut tribunal du pays, dans le cadre de ce renvoi, de préciser la formule à suivre pour abolir le Sénat.

«Si la Cour suprême du Canada rejette notre plan de réforme cet automne, la seule option qui s'offrira à nous sera d'abolir le Sénat», a confirmé à La Presse un ministre conservateur, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat.

Le scandale Wright-Duffy

L'option d'abolir le Sénat gagne en popularité dans les rangs conservateurs, même chez les députés des provinces de l'Ouest, à cause du scandale des dépenses des sénateurs, qui met à mal la réputation de bon gestionnaire des fonds publics que cultive le gouvernement Harper depuis son arrivée au pouvoir.

Ce scandale a forcé la démission de trois conservateurs jusqu'ici: le chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, et les sénateurs conservateurs Mike Duffy et Pamela Wallin.

M. Wright a démissionné après avoir reconnu qu'il avait signé un chèque personnel de 90 000$ afin d'aider le sénateur Mike Duffy à rembourser les contribuables pour les allocations de logement qu'il a empochées indûment au cours des quatre dernières années. M. Duffy a démissionné pour avoir touché ces allocations alors qu'il n'y avait pas droit. Mme Wallin a aussi démissionné en raison de ses frais de voyage élevés qui font toujours l'objet d'une enquête.

«De plus en plus de députés sont ouverts à l'idée d'abolir le Sénat et d'autres en font même la promotion parce qu'ils sont frustrés du peu de progrès pour le réformer. En plus, nous devons porter le blâme pour leurs problèmes», a renchéri un député influent de l'Ouest, qui s'est aussi exprimé sous le sceau de l'anonymat.

En fin de semaine, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, s'est aussi exprimé en faveur de l'abolition de la Chambre haute. M. Wall, l'un des premiers ministres les plus influents dans le mouvement conservateur, était jusqu'à tout récemment un partisan de la réforme du Sénat. Son gouvernement a même adopté une loi, à l'instar de l'Alberta, pour faire élire des candidats provinciaux pouvant être nommés au Sénat lorsqu'il y a une vacance.

Isoler Justin Trudeau

Un stratège conservateur a expliqué que cette stratégie permettrait de couper l'herbe sous le pied à la fois du NPD et du Parti libéral.

«Ce serait une bonne façon d'arracher ce dossier des mains du NPD. Ce n'est pas comme si un gouvernement n'a pas volé une idée à l'opposition dans le passé. On laisserait à Justin Trudeau le soin de défendre seul le statu quo et le Sénat», a analysé ce stratège.

Stephen Harper a déjà évoqué l'idée d'abolir le Sénat dans le passé s'il s'avère impossible de le réformer. Dans un discours devant le Parlement australien, en septembre 2007, le premier ministre avait déclaré: «Le Sénat australien démontre comment une Chambre haute réformée peut fonctionner dans notre système parlementaire. Et les Canadiens comprennent que notre Sénat, tel qu'il est aujourd'hui, doit changer ou, comme les anciennes Chambres hautes de nos provinces, disparaître.»