Des responsables canadiens craignent que la piètre qualité des informations recueillies de façon routinière auprès des passagers aériens puisse nuire à un aspect-clé de l'entente avec les États-Unis sur le périmètre de sécurité.

Une note de breffage interne de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avertit que le manque de données fiables peut représenter un obstacle à la mise sur pied d'une liste exhaustive de la quasi-totalité des gens qui entrent et qui sortent du continent.

Ce système de suivi des entrées et sorties, qui doit être mis en place au cours des deux prochaines années, est une disposition essentielle du pacte sécuritaire dévoilé en grande pompe il y a un an.

L'entente est censée faciliter le passage de voyageurs et de biens à travers la frontière canado-américaine, tout en renforçant la sécurité continentale.

Le système de suivi comprend l'échange d'informations recueillies à l'entrée de voyageurs par voie terrestre, afin que les données sur l'entrée d'un pays servent de preuve de départ de l'autre.

Ottawa prévoit également recueillir des informations sur les gens quittant le pays par la voie des airs -ce que font déjà les États-Unis- en obligeant les transporteurs aériens à fournir les listes des passagers à bord des vols internationaux quittant le Canada.

Les deux nations envisagent d'utiliser ces informations pour détecter les individus dépassant la durée de visite de leurs visas et déterminer si les gens devant être extradés ou devant quitter le pays ont effectivement respecté leurs obligations territoriales.

Cela permettra également de savoir si quelqu'un répond aux critères nécessaires pour obtenir la citoyenneté en mesurant la durée de leur séjour dans un pays, en plus d'aider à éviter que des personnes possèdent une identité au Canada, et une autre aux États-Unis.

Les transporteurs aériens commerciaux transitant par le Canada doivent actuellement fournir à l'ASFC ce qui est appelé les Informations préalables sur les passagers et les Dossiers des passagers.

Les premières comprennent le nom dudit voyageur, sa date de naissance, sa citoyenneté ou sa nationalité, ainsi que son passeport ou d'autres informations liées à son voyage. Les Dossiers des passagers, eux, regroupent des détails additionnels comme l'adresse du passager, son itinéraire et les informations concernant son billet.

Il existe cependant depuis longtemps des inquiétudes quant à la précision et la fiabilité de ces informations, un problème reconnu dans la note de breffage de l'ASFC, dont La Presse Canadienne a obtenu copie en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«La qualité des données actuellement soumises via les Informations préalables sur les passagers pourrait causer des problèmes pour faire correspondre les données d'entrée et de sortie», mentionne la note datée de février 2012.

Dans un rapport remontant à octobre 2007, le vérificateur général a détaillé les problèmes découlant de ce programme. Le document rappelle un exercice tenu en décembre 2006, lors duquel l'ASFC a comparé les données avancées reçues de la part de quatre vols avec les passagers qui se sont véritablement présentés.

«L'étude a permis de découvrir que 37% des données transmises par les transporteurs aériens pour ces vols n'étaient pas exactes, nuisant potentiellement à l'identification des voyageurs à haut risque», mentionne le rapport du vérificateur.

Au même moment, des défenseurs des droits de la personne affirment que de telles informations bourrées d'erreurs peuvent mener à des passagers étant incorrectement identifiés comme des menaces à la sécurité.

S'assurer de la qualité des informations est l'un des 12 points en matière de respect de la vie privée qui structurent l'entente de sécurité entre le Canada et les États-Unis.

Le développement du système d'entrée et de sortie nécessitera des amendements législatifs et réglementaires pour recueillir, utiliser, dévoiler et stocker les informations sur les voyageurs, mentionne la note de breffage.

Une entente de partage d'informations sera de plus négociée avec les États-Unis et les compagnies aériennes.