Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a joué le matamore en attaquant durement l'Iran dans une assemblée internationale de parlementaires dans la Vieille-Capitale, lundi, et les Iraniens ont répliqué en évoquant la souveraineté du Québec.

Et M. Baird ne s'est pas arrêté là. Il a suscité la colère de l'Ouganda qui a dénoncé son «arrogance», son «ignorance» et qui demande même des excuses.

Devant l'assemblée de l'Union interparlementaire, dont les 1400 délégués sont réunis à Québec, le ministre a vertement dénoncé le régime iranien, sur un ton qui détonnait dans ce forum aux délibérations habituellement feutrées.

«Le régime iranien est un exemple troublant d'intolérance religieuse», a-t-il lancé. Selon lui, les chrétiens et les bahai sont persécutés et torturés simplement en raison de leurs convictions religieuses. De même, un couple juif a été exécuté secrètement en prison en mars dernier, a-t-il dénoncé.

«Le Canada ne restera pas immobile devant ces actes extrêmes», a-t-il ajouté, en évoquant les sanctions «parmi les plus dures» adoptées par Ottawa, à la défense des libertés religieuses.

Il a invité les délégués à faire pression sur leurs gouvernements afin d'appuyer les résolutions canadiennes à l'ONU qui condamnent le régime des ayatollahs, pour ses violations des droits de la personne.

La petite délégation iranienne a protesté durant le discours en brandissant la plaquette où apparaissait le nom du pays. Un délégué iranien a ensuite obtenu un droit de réplique pour contredire le ministre.

Le chef de la délégation de parlementaires iraniens en a ensuite rajouté dans un point de presse. Pour dénoncer l'attaque frontale du ministre, Iraj Nadimi a demandé si le Canada accepterait, lui, que l'Iran parle en faveur de la souveraineté du Québec.

«Si dans un tel forum nous parlons de l'indépendance du Québec, en faveur des gens qui réclament l'indépendance du Québec, est-ce bien ou non?» a demandé M. Nadimi, dont les propos en farsi étaient traduits en anglais par un interprète.

«Ce n'est pas le lieu approprié pour parler de l'indépendance du Québec, par exemple», a-t-il ajouté.

Il a pris bien soin par ailleurs de ne pas dire, toutefois, s'il était en faveur ou non de la souveraineté, en dépit des questions insistantes des journalistes.

«Nous disons que chaque pays possède ses propres règles. Nous ne pouvons tolérer l'ingérence de quelque pays que ce soit, et nous ne nous ingérons pas dans les affaires internes des autres pays.»

M. Nadimi a ajouté que chaque pays a ses amis et ses ennemis, mais estime que la haine du ministre envers l'Iran n'appartient qu'à lui et n'est pas représentative de la population canadienne.

«La vérité n'est pas toujours bonne à dire», s'est contenté de commenter M. Baird dans un bref point de presse après son discours.

Le Canada est engagé dans un bras-de-fer avec la République islamique d'Iran, depuis qu'Ottawa a fermé son ambassade à Téhéran en septembre. Les diplomates iraniens ont été expulsés du Canada. Le gouvernement Harper reproche au régime de Mahmoud Ahmadinejad de soutenir les terroristes, de chercher à obtenir l'arme nucléaire, d'appuyer le gouvernement syrien de Bachar el-Assad et de souhaiter la destruction de l'État d'Israël.

La charge de M. Baird ne visait pas que l'Iran. Il a aussi critiqué l'Ouganda pour le sort qu'il réserve aux gais, qui sont selon lui «ostracisés» et menacés. Il a fait référence à David Kato, un militant homosexuel qui a été sauvagement tué à coups de marteau.

Ulcérée, la chef de la délégation ougandaise a bondi pour obtenir le droit de riposter. Dans son allocution, Rebecca Kadaga a dit que l'homosexualité ne fait pas consensus dans plusieurs pays et a indiqué que la mort du militant était un crime passionnel.

«Si l'homosexualité est une valeur pour le peuple canadien, cela ne nous pose pas de problème, cela le regarde, mais il ne faut pas forcer les Ougandais à accueillir et accepter l'homosexualité, parce que nous ne sommes pas des citoyens canadiens, a-t-elle dit, sous les applaudissements nourris du parterre. Nous avons nos problèmes, ils ont les leurs.»

En point de presse, Mme Kadaga, qui est aussi présidente du Parlement ougandais, a dit que le ministre avait fait preuve d'«arrogance» et d'«ignorance». Elle lui demande des excuses, et la requête sera relayée par le haut-commissariat de l'Ouganda à Ottawa.