Le commissaire aux langues officielles Graham Fraser s'inquiète de l'impact qu'auront les compressions budgétaires du gouvernement conservateur sur la dualité linguistique au pays.

En déposant son rapport annuel mardi, M. Fraser a fait part de ses craintes par rapport aux coupes annoncées du gouvernement, s'inquiétant qu'elles aient une incidence négative sur les communautés anglophones du Québec, de même que sur les communautés francophones du reste du pays.

«Je ne prétends pas qu'on cible particulièrement les langues officielles ni qu'elles devraient faire exception à la règle, mais il y a un danger qu'elles soient indûment touchées», a-t-il expliqué en conférence de presse.

Le gouvernement procède actuellement à une revue stratégique des programmes de tous les ministères et agences, qui doivent présenter un scénario comprenant des coupes de 5 pour cent, et un autre, de 10 pour cent. Selon M. Fraser, l'effet cumulatif de ces coupes pourrait être particulièrement dramatique.

«Ma crainte, c'est que si chaque institution, par coïncidence, trouve (...) qu'ils vont couper disons dans des formations linguistiques ou des programmes qui touchent les communautés de langues officielles, il y aura un effet cumulatif qui sera très néfaste», a-t-il expliqué.

De l'avis du commissaire, il est de la responsabilité des ministres de s'assurer que leur ministère ne fera pas payer «un prix disproportionnel» à ces communautés linguistiques en situation minoritaire.

Il estime d'ailleurs que des modifications à la loi s'imposent pour mettre à l'abri ces communautés et éviter qu'elles fassent les frais des compressions budgétaires à venir.

Dans son rapport 2010-2011, le commissaire accuse d'autre part le gouvernement de manquer de leadership dans l'application de la Loi sur les langues officielles au pays. Il déplore un manque de compréhension des obligations du fédéral par rapport à la promotion de l'usage des deux langues et dans l'appui du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ces deux aspects sont pourtant inscrits dans la partie VII de la loi.

Plusieurs institutions fédérales ne se sentent pas interpellées par la promotion du français et de l'anglais, alors qu'elles en ont pourtant le devoir, observe M. Fraser.

Le commissaire estime qu'il s'agit principalement d'un problème de leadership, puisqu'aucun ministère n'a actuellement le pouvoir d'émettre des lignes directrices afin de promouvoir l'usage du français et de l'anglais. Il suggère de remettre ce pouvoir entre les mains du Conseil du trésor par une modification de la loi.

«J'attends la réponse du gouvernement à ce sujet», a-t-il souligné.

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Marie-France Kenny, est particulièrement ravie de cette recommandation. Les institutions fédérales ont l'obligation d'adopter des mesures positives favorisant la vitalité des communautés linguistiques minoritaires, a-t-elle rappelé.

«Malgré ces obligations, on voit encore peu de résultats à l'heure actuelle parce que les institutions fédérales sont trop souvent laissées à elles-mêmes. Il faut une autorité centrale qui puisse encadrer la façon dont cette partie de la loi est appliquée», a-t-elle signalé.

Quant aux fameux «bulletins de rendement» émis par le commissaire, cette année, ce sont le Conseil national de recherches Canada et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada qui font figure de cancres en obtenant la piètre note globale de D dans leur application de la loi. Seul Patrimoine Canada obtient un A.

Pour le porte-parole néo-démocrate en matière de langues officielles, Yvon Godin, le président du Conseil du trésor, Tony Clement, manque à ses responsabilités.

«Il est capable de donner des bonus aux gestionnaires pour qu'ils fassent plus de compressions, mais il est incapable d'envoyer une directive gratuite à l'ensemble des institutions pour qu'elles respectent la loi», a-t-il déploré.

Le libéral Mauril Bélanger est lui aussi d'accord sur le fait que des compressions pourraient être «démesurées», ce qui serait une «catastrophe» pour les communautés minoritaires.