Le Bloc québécois refusera d'appuyer le prochain budget fédéral s'il ne contient pas les 2,2 milliards d'indemnisation réclamés pour l'harmonisation des taxes entre Québec et Ottawa.

Alors que les négociations entre les deux capitales semblent avancer très lentement, et à quelques semaines d'une session parlementaire qui s'annonce houleuse, le chef bloquiste, Gilles Duceppe, fait du règlement de ce dossier une condition sine qua non à l'éventuel appui de son parti au gouvernement conservateur, qui éviterait ainsi des élections générales au printemps.

«Chose certaine, si ce n'est pas là, impossible d'appuyer le budget, a affirmé M. Duceppe à La Presse. Il faut que ce soit là. Et si c'est là, ça ne veut pas dire pour autant qu'on est pour. Il faut regarder l'ensemble. Si les 2,2 milliards sont là, mais qu'il y a une diminution dans la péréquation, dans les paiements de transfert pour l'éducation et la santé, et qu'en bout de piste ça revient à zéro, on ne sera pas d'accord.»

Le Québec réclame une indemnisation pour avoir harmonisé sa taxe en 1992, sans compensation, alors que l'Ontario et la Colombie-Britannique ont reçu des milliards du fédéral dans les dernières années.

Le chef bloquiste estime que Québec a «fait ses devoirs» et que les négociations achoppent en raison de l'entêtement d'Ottawa à vouloir percevoir une seule taxe harmonisée, contre la volonté du Québec.

«C'est une décision d'ordre politique bien plus qu'économique», estime-t-il. Et ce n'est pas le seul point du budget que les bloquistes examineront attentivement. L'environnement, les droits d'auteur, les mesures économiques dans le secteur de la forêt, la commission unique des valeurs mobilières sont autant de dossiers dans lesquels le Bloc s'oppose aux décisions des conservateurs, ce qui amène Gilles Duceppe à juger que l'actuel gouvernement «s'éloigne de plus en plus des Québécois».

«Ça prendrait un changement de cap majeur de la part du gouvernement Harper pour qu'on soit en mesure d'appuyer le budget. Mais on le saura une fois qu'on le verra», a souligné le chef bloquiste.

Des élections à préparer

Le Bloc aime bien répéter que, sous un gouvernement minoritaire, il faut être constamment prêt à des élections. Mais cette fois, vu les rumeurs persistantes qui prédisent un scrutin printanier, la préparation a atteint un autre degré: le comité électoral est en place, les employés de soutien pour la campagne sont au travail et le programme sera adopté à la mi-février, au cours d'un conseil général à Saint-Hyacinthe.

Le chef bloquiste entame aussi cette semaine une vaste tournée du Québec, à l'image de celles qu'il fait systématiquement avant chaque session parlementaire. Premier objectif: regagner les sièges obtenus aux dernières élections. «Je ne tiens jamais rien pour acquis», a expliqué M. Duceppe. Puis, dans certaines régions, faire des gains là où le Bloc a déjà été élu, notamment au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dont les conservateurs de Stephen Harper détiennent à l'heure actuelle deux des trois sièges. Jonquière et Roberval sont d'ailleurs sur l'itinéraire du chef bloquiste cette semaine, tout comme Matane et Gaspé. La semaine prochaine, il visitera les couronnes nord et sud de Montréal, le Centre-du-Québec, la Mauricie et l'Estrie.

Depuis le départ, à l'automne, du député de Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia, Jean-Yves Roy, le Bloc québécois détient 47 des 75 sièges du Québec à la Chambre des communes. La circonscription devra être pourvue d'un député dans les prochains mois même s'il n'y a pas d'élections générales au printemps. Le Bloc avait obtenu 49 sièges au scrutin de 2008 et en a perdu un à l'élection partielle du 9 novembre 2009 dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, rendue nécessaire par le départ du vétéran bloquiste Paul Crête.

Soucieux de regagner ce bastion bloquiste tombé aux mains des conservateurs, M. Duceppe s'arrêtera d'ailleurs à Rivière-du-Loup dans la semaine du 24 janvier, de même qu'à Saint-Eustache, Saint-Jérôme, Joliette et enfin Québec, où les députés du Bloc se réuniront les 25 et 26 janvier en prévision de la rentrée parlementaire.