Pas question de se substituer au gouvernement haïtien pour s'assurer que le deuxième tour de l'élection présidentielle se déroule mieux que le scrutin du 28 novembre: il devra prendre ses responsabilités avec une aide «technique» de la communauté internationale.



À l'issue d'une rencontre trilatérale avec son homologue mexicaine Patricia Espinosa et la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, à Wakefield, dans l'Outaouais, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a estimé que la communauté internationale ne pouvait «tout faire» en Haïti et qu'il fallait que «le peuple et les dirigeants» travaillent à rétablir la stabilité dans un pays aux prises avec une nouvelle crise de légitimité après un scrutin contesté de toutes parts.

«Il n'y aura pas de progrès économique s'il n'y a pas de stabilité gouvernementale», a conclu le ministre Cannon.

Les défis sont immenses en Haïti, a concédé à l'issue de la rencontre la secrétaire d'État Clinton: crise humanitaire, épidémie de choléra, pauvreté endémique, gouvernement aux capacités réduites. Et les Haïtiens doivent maintenant relever le défi de tenir des élections sans taches, a-t-elle ajouté.

Mais la chef de la diplomatie américaine rejette la proposition du sénateur démocrate Patrick Leahy, qui suggérait la semaine dernière de geler l'aide internationale apportée au gouvernement haïtien en guise de représailles à un scrutin entaché d'allégations de fraudes et d'irrégularités.

«Nous ne voulons pas punir les Haïtiens pour les problèmes allégués pendant les élections. Les gens ont encore besoin d'abris, d'éducation, d'eau potable, de soins de santé, de développement économique», a lancé Mme Clinton, notant au passage que les propos du sénateur Leahy témoignent d'une «frustration croissante», qui devrait servir de mise en garde aux dirigeants haïtiens.

La secrétaire d'État a promis une aide «technique» pour épauler le gouvernement haïtien lors de la tenue du second tour de scrutin, qui doit avoir lieu le 16 janvier. Mais c'est aux autorités haïtiennes d'assumer «leurs responsabilités», a-t-elle souligné.

Les enjeux de sécurité aux frontières, la lutte contre la criminalité et les changements climatiques, à peine quelques jours après la clôture du sommet de Cancún, au Mexique, ont aussi fait partie des discussions lors de cette rencontre des ministres des Affaires étrangères.

À Ottawa, le député libéral de Bourassa, Denis Coderre, a demandé la tenue d'un débat d'urgence sur la situation en Haïti, face aux épisodes répétés de violence depuis la publication des résultats du premier tour de scrutin.

En faire plus

Selon lui, le gouvernement canadien doit faire preuve de leadership sans toutefois aller jusqu'à dire que faire au président René Préval, ni menacer de couper les vivres au gouvernement haïtien, comme le suggérait le sénateur américain.

«La pire des choses qu'on doit faire, c'est de prendre la population haïtienne en otage», a estimé M. Coderre.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, estime quant à lui que la pression exercée par les gouvernements américain et canadien sur les autorités haïtiennes est nécessaire, mais suffisante. «Je suis assez certain que les gens en Haïti commencent à se rendre compte qu'ils doivent respecter la démocratie. Mais on verra ce qui arrive au second tour de l'élection», a dit M. Duceppe.

Pour le chef du NPD, Jack Layton, Ottawa pourrait faire davantage pour aider Haïti, notamment dans le combat contre l'épidémie de choléra.

«Ce n'est pas surprenant qu'il y ait de l'instabilité politique dans un pays quand vous faites face à une épidémie, qui fait suite à des catastrophes naturelles, en plus d'une pauvreté endémique, a souligné M. Layton. Le Canada pourrait jouer un rôle plus important pour combattre la propagation de la maladie.»