Le refus du gouvernement conservateur d'adopter une réglementation permettant de retracer les armes à feu est incompréhensible, a scandé l'opposition lundi, en déplorant le fait que les troupes de Stephen Harper annoncent cette décision à l'aube du 21e anniversaire de la tuerie de l'École Polytechnique.

Les chefs libéral et bloquiste s'en sont pris aux conservateurs, aux Communes, et à la décision de leur gouvernement de remettre à plus tard l'adoption d'un règlement permettant de retracer les armes à feu ayant servi lors de crimes et dont la mise en oeuvre se fait attendre depuis quatre ans.

En ce jour du 21e anniversaire du massacre de l'École polytechnique de Montréal, où 14 femmes ont été tuées le 6 décembre 1989, le leader du Parti libéral, Michael Ignatieff, a fait valoir qu'il s'agissait justement de la leçon à tirer de cette tragédie: d'assurer le contrôle des armes à feu.

«Et maintenant les conservateurs refusent d'agir, de faire ce que les agents de police, les chefs de police veulent, c'est-à-dire un meilleur contrôle pour l'importation des armes et pour marquer les armes», a déploré le leader libéral en matinée.

«Nous croyons que c'est absurde, surtout le jour du 21e anniversaire de cet affreux événement, de refuser d'agir pour contrôler mieux les armes à feu», s'est-il indigné, alors qu'il s'exprimait en marge d'une cérémonie en mémoire des victimes.

La semaine dernière, un jour avant que les nouvelles règles n'entrent en vigueur, le gouvernement de Stephen Harper a discrètement émis un avis pour faire savoir que la mise en oeuvre du Règlement sur le marquage des armes à feu était remise au 1er décembre 2012.

Cette mesure devait à l'origine entrer en vigueur en avril 2006, à la suite de sa création deux ans plus tôt par les libéraux qui étaient alors au pouvoir à Ottawa.

Mais voilà que les conservateurs ont, pour la troisième fois, reporté à plus tard son entrée en vigueur. Les amateurs d'armes à feu espèrent en outre que son adoption sera retardée jusqu'à ce que le premier ministre réussisse à remporter une majorité aux Communes, ce qui lui permettrait ensuite de mettre la mesure au rancart.

«Le gouvernement n'est pas crédible sur la question du crime, à moins qu'il ne soit dur et qu'il maintienne le registre des armes à feu», a lancé M. Ignatieff aux conservateurs, aux Communes, en les accusant d'écouter le lobby des armes à feu plutôt que les associations de police et les familles des victimes de Polytechnique.

Le massacre de 1989 avait donné suite à la mise en place, par le gouvernement libéral quelques années plus tard, de mesures pour le contrôle des armes à feu, notamment le registre national des armes à feu.

Les conservateurs ont présenté plusieurs projets de loi depuis pour tenter de l'abolir, mais en vain. La proposition a toujours été rejetée par l'opposition.

En réponse aux reproches de l'opposition, lundi, le leader du gouvernement aux Communes, John Baird, a rétorqué que les conservateurs défendaient «un contrôle des armes à feu qui fonctionne, un contrôle des armes à feu qui va réellement rendre nos communautés plus sécuritaires». Et il a fait valoir que la loi canadienne prévoyait déjà un marquage des armes à feu.

La réglementation mise de côté la semaine dernière devait toutefois amener le Canada à se conformer aux protocoles internationaux, qui requièrent la présence d'une marque d'importation sur toutes les armes. Les lois actuelles exigent seulement la présence d'un numéro de série.

Des associations policières au pays ont indiqué que l'objectif de la mesure était de réduire le temps nécessaire pour retracer les armes à feu utilisées lors de crimes et déterminer si elles ont traversé les frontières canadiennes dans le cadre d'une transaction commerciale, ou de façon illégale, ou encore si elles ont été fabriquées au pays.

Pour le leader bloquiste, le gouvernement Harper fait preuve d'hypocrisie en refusant d'obéir aux lois du pays.

Non seulement les conservateurs tentent de reléguer aux oubliettes ce règlement sur le marquage des armes à feu, mais ils contournent le registre des armes à feu en accordant depuis des années une amnistie aux propriétaires qui tardent à y faire enregistrer leur arme d'épaule.

«C'est se moquer complètement et ces gens-là n'ont aucun scrupule à agir ainsi (...) C'est pas étonnant, mais c'est offusquant», a tranché Gilles Duceppe, à sa sortie des Communes.

Son homologue néo-démocrate, Jack Layton, peinait lui aussi à expliquer le comportement des conservateurs, indiquant qu'il était impossible de comprendre leur «retard à mettre en place cette initiative importante».

Si la réglementation entrait en vigueur, les manufacturiers devraient dorénavant marquer les armes de leur lieu d'origine et, dans le cas d'armes importées, les deux derniers chiffres de leur année d'importation.    Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique Vic Toews a expliqué, la semaine dernière, que la décision avait été prise afin de donner plus de temps au gouvernement pour qu'il consulte les différentes parties concernées.    La présidente de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, Wendy Cukier, a toutefois souligné que le gouvernement avait déjà mené des consultations, auxquelles elle a elle-même pris part.